NOVOpress (PARIS) – Le compositeur français Henri Dutilleux est décédé au printemps dernier à l’âge de 93 ans, laissant derrière lui une œuvre abondante, appartenant au patrimoine français et européen.
Les parents d’Henri Dutilleux appartiennent à la bourgeoisie de Douai où son père tient une imprimerie. La Grande Guerre les chasse vers le Sud. En 1916, Henri Dutilleux voit le jour à Angers tandis que son père se bat pour la France sur le front de Verdun.
Le garçon entre très tôt au Conservatoire de Douai où sa mère lui fait étudier le piano et l’écriture. Il démontre dans ce dernier domaine de précoces talents. Il entre en 1933 au Conservatoire de Paris et obtient le Prix de Rome dès 1938 avec sa cantate “L’anneau du Roi”.
Quelques pièces voient le jour pendant la Deuxième Guerre Mondiale mais du propre point de vue du compositeur, son oeuvre ne prend son véritable départ qu’avec la sonate pour piano de 1948 dont il affirmera à plusieurs reprises qu’elle est son “opus 1″. C’est bien à cette l’époque que se mettent vraiment en place les éléments constitutifs de son style. Son langage, immédiatement reconnaissable, mêle rupture et tradition. Sous sa plume, le recours aux techniques sérielles puis à l’atonalité devient le prétexte à la lente construction de formes musicales apparemment classiques, presque tonales, parlant à l’auditeur un langage apparemment éloigné des abstractions brutalement médiatisées de ses contemporains (Boulez, Stockhausen, …).
Dutilleux allie la discrétion à l’exigence. Son travail, rare, se déploie sur un nombre limité d’œuvres qu’il affine avec un soin extrême. Cette subtile alliance, la très grande richesse harmonique et contrapuntique de son travail, essentiellement orchestral, font rapidement sa notoriété. Henri Dutilleux est aujourd’hui, avec Pascal Dusapin, le compositeur français le plus joué à l’étranger. Une partie de son catalogue est d’ailleurs le fruit de commandes de fondations américaines : la Deuxième symphonie “Le Double”, les célèbres “Métaboles”, le quatuor à cordes entre autres, qui illustrent ainsi l’importance du compositeur dans le paysage musical de notre époque.
Ce souci constant de mettre la forme et la technique au service l’expressivité se retrouve dans les titres, soigneusement choisis et très évocateurs, que Dutilleux accolera à presque toutes ses oeuvres. Le concerto pour violoncelle créé en 1970 par Mstislav Rostropovitch : “Tout un monde lointain”. Le quatuor à cordes de 1977 : “Ainsi la nuit“. Le concerto pour violon, créé à Paris par Isaac Stern en 1985: “L’arbre des songes”. Le choix des titres n’est pas anecdotique : la forme technique de l’œuvre s’efface devant le message poétique. A l’intérieur de chaque œuvre, les mouvements qui la structurent sont eux-même baptisés. Toute sa vie, l’exigence de Dutilleux sera de faire parler sa musique plutôt que de faire parler de lui.
A l’instar de quelques autres compositeurs français qui furent ses aînés et parfois, comme d’Indy et Dukas, des références de ses années d’études, Henri Dutilleux a sacrifié le nombre et la publicité à une exigence constante de perfection. C’est pourquoi l’oeuvre qu’il nous laisse, si elle est d’une envergure immense, ne comporte aujourd’hui qu’un petit nombre de pièces. Toutes ou presque considérées comme des moment majeurs de notre époque musicale.
L’homme s’est éteint le 22 mai 2013, à Paris. Il est d’ores et déjà permis d’affirmer que son legs demeurera comme un moment décisif de l’histoire de la musique européenne.