La gravité de la situation — la dette explosera en 2014 pour atteindre 2 000 milliards d’euros — devrait mobiliser les forces vives du pays et, parmi elles, si du moins ils étaient ce qu’ils prétendent, les acteurs d’un pays légal dont l’existence n’est justifiée que par les services qu’ils sont censés rendre à la nation.
Las ! En cette rentrée, les agités du bocal politicien se préoccupent plus de consolider leurs positions — au sens militaire du terme — à l’approche d’échéances électorales importantes — municipales, européennes —, que de répondre aux inquiétudes légitimes de leurs compatriotes, qu’il s’agisse du chômage, de l’insécurité ou de la cohésion sociale, mise à mal aussi bien par une immigration galopante encouragée par le pouvoir que par l’adoption progressive de lois dites sociétales. Certes, la plupart des maux qui touchent la France ont une dimension européenne, voire planétaire : ainsi la remise en cause anthropologique de nos sociétés touche aussi bien ces paradis conservateurs que sont l’Allemagne (ou une mère peut désormais se déclarer père de son enfant) et le Royaume-Uni (où ce fut une « conservatrice », Thatcher, qui milita furieusement pour « le droit à l’avortement » avant qu’un « conservateur », Cameron, n’y légalise le mariage homo) que la France sociétaliste : nous avons affaire à une tendance lourde qui prouve combien, en quarante-cinq ans, l’idéologie soixante-huitarde a pu disséminer ses métastases chez des élites en voie de mondialisation.
Tout indique pourtant que nous arrivons à une fin de cycle. Et c’est la France qui, après avoir ouvert à plusieurs reprises le chemin des révolutions — 1789, 1830, 1848, 1968 —, semble devoir indiquer celui de la contre-révolution. Oh, certes, il s’agit encore de frémissements qui peinent à trouver une traduction politique, mais l’imposante réaction du pays réel contre la destruction de la famille, au printemps dernier, les manifestations récentes de soutien de ce même pays réel à un bijoutier qui, d’agressé, se trouve transformé, par un tour de passe-passe judiciaire, en agresseur, alors que son braqueur, qui n’a fait qu’assumer les risques du métier, devient dans le même temps la victime, montrent combien les Français sont de moins en moins dupes. Oui, l’inversion des valeurs est de plus en plus mal supportée par des citoyens qui n’acceptent plus de devoir marcher sur la tête. Taubira sert de révélateur, au sens chimique du terme, quand Valls, qui n’est pas, quoi qu’il en dise, une « chance pour la France », joue le rôle, endormeur, du faux homme d’ordre : il est en ce sens bien plus dangereux que Taubira, même si, fort heureusement, il fait de moins en moins illusion.
Ce désir d’ordre du peuple français, les politiciens, et François Fillon le premier d’entre eux, le traduisent comme un « virage à droite » de leurs concitoyens — habitués qu’ils sont à tout interpréter à travers le prisme déformant de leurs médiocres préoccupations électorales. Or il est bien davantage que cela : il est avant tout le désir de recouvrer les valeurs pérennes sur lesquelles repose toute société qui veut persévérer dans l’être. Alors que la liberté, l’égalité et la fraternité républicaines finissent de dissoudre les solidarités sociales au nom de l’égale valeur — encore appelée laïcité — de toutes les revendications individualistes et communautaristes, ce sont à d’autres valeurs que, toutes générations confondues, se réfèrent ceux qui, aujourd’hui, soutiennent le bijoutier agressé ou qui, au printemps dernier, se sont opposés au mariage contre-nature. C’est au travail, qu’agressent, tout autant que les braqueurs, des mondialistes dont les armes sont les délocalisations et l’immigration, c’est à la famille, condition du développement de la personne, c’est à la nation, dont la famille est la base — ce ne sont pas d’insipides drapeaux arc-en-ciel mais bien des drapeaux français que brandissaient les défenseurs du mariage —, une nation qui se trouve par ailleurs agressée par ces naturalisations à la pelle auxquelles Valls, encore lui, veut procéder, après Sarkozy qui les avait tardivement interrompues par électoralisme. Or la nation est cette amitié essentielle dont la pérennité suppose le consentement des volontés individuelles à un ensemble partagé de devoirs, fondements des droits — nous sommes des « nous » avant d’être des « je », aimait à rappeler Maurras —, un ensemble que le triomphe définitif du chaos mondialiste ferait voler en éclats. Oui, si le pays réel se réveille, c’est qu’il a conscience de jouer sa survie.
Nul doute qu’en fragilisant le cordon sanitaire imposé par Mitterrand, il y a trente ans, Fillon n’ait eu à l’esprit ce retournement de tendance. Assurément, sa préoccupation est d’endiguer la montée du Front National à la fois en se conciliant les électeurs de Marine Le Pen et en se montrant à l’écoute de ces adhérents et électeurs de l’UMP qui ne comprennent plus l’objet de ce tabou imposé par les socialistes, au siècle dernier, à la droite libérale. Fillon a cherché à prendre une longueur d’avance dans la perspective des primaires de 2016 sur ses concurrents de l’UMP — et ils sont nombreux —, ne serait-ce qu’en les forçant à se positionner par rapport à lui. Il avait du reste bien choisi son moment : la veille de l’UDT du Front National.
Une UDT dont on doit retenir cette heureuse précision de Marine Le Pen sur la laïcité, au lendemain de la publication par Peillon d’une charte dont « le texte [...] ne prend pas en compte la réalité de l’histoire de France, la réalité de notre culture. Pour comprendre la nation française, la République française, il faut connaître et admettre ses fondements chrétiens. N’en déplaise à certains. » Le malheur, c’est que c’est la république elle-même qui a, dès l’origine, renié ces « fondements chrétiens », empêchant de « comprendre la nation française ».
Nous n’en approuvons pas moins cette prise de position sans aucune ambiguïté de Marine Le Pen sur le lien indissoluble entre la France et le christianisme. Si la laïcité a un sens, il se trouve là, dans ce rapport entre une nation et une religion, catholique pour ne pas la nommer, qui est la seule à respecter, tout en le fondant, l’autonomie de l’ordre politique. Du reste, seules des sociétés chrétiennes ou imitant la séparation chrétienne des pouvoirs, ont vu l’émergence, pour le meilleur et pour le pire, de la notion de laïcité.
Mais justement, les attaques incessantes contre la France, contre son être et son peuple, d’un pays légal sans attache nationale, ne rendent encore que plus cruel le besoin de la parole royale. Elle seule, parce que dégagée de toute préoccupation politicienne, est à même de rappeler l’essentiel. « Je représente les principes qui rendront à l’Etat la plénitude de l’impartialité, de l’indépendance et de la stabilité. Français, ou l’autorité et les libertés de la monarchie, ou l’oppression de l’anarchie socialiste. Ces grandes vérités politiques ne dépendent ni de vous ni de moi. Lorsque j’en ai reçu la garde, avec la vie, pour les transmettre intactes à mon fils, j’ai hérité aussi du devoir de les rappeler à la nation française et, s’il plaît à Dieu, quand il le faudra, je les appliquerai au gouvernement du pays en utilisant le concours des Français de toutes origines et de toutes conditions librement organisés et représentés. »
Ces fortes paroles de Jean III datent du 30 janvier 1933 : elles n’ont pas pris une ride.
François Marcilhac - L’AF 2870