En ce début d’année 2014, il est fondamental de dresser un constat troublant. A savoir que nombre de pays d’Europe périphérique auraient de toute manière été aujourd’hui en récession, avec ou sans crise de l’euro. Le péché originel de l’Union européenne étant précisément et nommément le Pacte de Stabilité qui a, contre toute attente, éclipsé toute discipline fiscale !
Effectivement, en focalisant toutes leurs attentions et tous leurs efforts à le respecter – ou à tenter de s’en approcher –, les gouvernements successifs sont passés à côté de politiques contre-cycliques précieuses. En axant leur politique et leurs efforts sur la seule lutte contre les déficits publics afin de satisfaire au Pacte.
En se focalisant sur leurs seuls comptes publics, excédentaires pour nombre de ces nations du Sud. Leurs dirigeants ont omis de faire usage du levier fiscal censé modérer les enthousiasmes, calmer les ardeurs spéculatives et contrôler l’envolée de la consommation.
Du reste, pourquoi ces États auraient-ils mis en place de telles politiques, qui se seraient traduites par un tassement de leur croissance, alors même que leurs ratios dettes/ P.I.B. ne faisaient que s’améliorer entre 2000 et 2007 ? Après tout, du fait même de ce Pacte de Stabilité qu’ils respectaient, nulle pression ne s’exerçait sur eux dans le sens d’une mise en place de mesures menant à une contraction de leur économie. Ce Pacte a donc totalement brouillé la vision et le jugement de nos autorités qui ne juraient plus que par ces critères, et qui jaugèrent l’ensemble des données et des statistiques de leurs économies nationales respectives au prisme de ce Pacte. À l’exclusion de tout esprit critique, de toute analyse qualitative et de toute anticipation macroéconomique élémentaire.
Pour autant, ce sont exactement les mêmes erreurs grossières qui sont réitérées aujourd’hui. En concentrant leurs tirs sur les seuls déficits de ces pays, les autorités européennes (et l’Allemagne) pensent se payer le luxe d’éviter toute politique fiscale contre-cyclique, dont l’objectif et dont les effets seraient de relancer la croissance. Tandis que le levier de la fiscalité avait été ignoré afin de modérer des économies en surchauffe à l’occasion du lancement de l’euro, ce même levier est encore aujourd’hui ignoré alors même qu’il serait à même de neutraliser la récession.
Comme nos dirigeants sont des femmes et des hommes politiques élus et donc logiquement préoccupés par leur réélection. Comme ils ne sont en outre que peu ou prou spécialistes ès macro-économie. Comme il n’est pas dans les attributions de la Banque centrale européenne de plaider en faveur de telle ou de telle mesure fiscale dans tel ou dans tel pays.
L’idéal serait que l’Union européenne soit également une union fiscale où les citoyens d’un pays membre à forte croissance paient des impôts qui iraient aux citoyens de pays à la croissance molle. Comme de tels mécanismes automatiques sont aujourd’hui impossibles à mettre en place pour des raisons essentiellement politiques, les membres de l’Union n’ont donc aucun autre choix, si ce n’est celui de mesures fiscales contre-cycliques afin d’éviter à l’Union et à ses citoyens des crises récurrentes.
Ce péché originel de l’euro a donc conduit les responsables politiques et économiques des divers pays membres à focaliser toutes leurs attentions sur le quantitatif, c’est-à-dire sur ces fameux critères qui étaient largement respectés dans nombre de ces nations.
En effet, pourquoi se lancer dans une analyse qualitative dès lors que les comptes sont excédentaires ? Et pourquoi se creuser les méninges à faire un travail de discernement macro-économique si le sacro-saint Pacte est respecté ?
Dans le cas de l’Espagne ou de l’Irlande, il aurait pourtant été basique de reconnaître que les excédents budgétaires dont ces deux pays jouissaient étaient quasi obligatoires en période de boom immobilier.
En mettant l’accent sur les excédents budgétaires, le Pacte a donc forcé à regarder dans la mauvaise direction et à analyser les mauvais indicateurs. En fait, les architectes du Pacte de Stabilité et de croissance n’ont fait qu’envoyer de mauvais signaux.
Par Michel Santi
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