A une telle école, les dirigeants communistes français allaient à leur tour se distinguer. Autoproducteurs de leur propre histoire, celle-ci se confondit souvent avec des contes et légendes que l’on raconte le soir aux enfants pour les émerveiller.
Le premier de ces contes fut publié en 1937 et diffusé à grande publicité. Il s’agissait de Fils du peuple, « autobiographie » signée du secrétaire général du PCF, Maurice Thorez, dont on apprit dans les années 1970 qu’elle avait été rédigée par le critique littéraire de L’Humanité, Eugène Schkaf – un fils de grand bourgeois qui écrivait sous le pseudonyme de Jean Fréville et qui n’avait pas manqué de laisser sa griffe de nègre dans un paragraphe ad hoc connu des initiés.
Thorez y était présenté comme un ouvrier modèle venu naturellement au communisme. En réalité, après avoir épousé la nièce du secrétaire de la fédération communiste du Pas-de-Calais, il avait été propulsé à la direction de cette fédération et était devenu permanent du PCF à 23 ans. Repéré par le service des cadres de l’Internationale communiste, il avait alors connu une promotion foudroyante, facilitée par ses capacités politiques et sa souplesse d’échine à l’égard de Moscou : membre du comité central puis du bureau politique à 25 ans, et secrétaire général dès 1930, poste qu’il occupa jusqu’à la veille de sa mort en 1964. Bref, un remarquable itinéraire d’apparatchik stalinien.
Plus récemment, grâce à l’ouverture des archives de l’Internationale communiste après l’implosion de l’URSS, on apprit que si Thorez était, dans les années 1930, secrétaire général en titre, il était en fait cornaqué en permanence par un juif slovaque, cadre supérieur de l’IC, Eugen Fried, qui avait la haute main sur la ligne politique, le choix des hommes et le contrôle de l’organisation. C’est en réalité le tandem Fried-Thorez qui avait dirigé le PCF entre 1931 et 1939.
Stéphane Courtois, Mythes et polémiques de l’histoire
http://www.oragesdacier.info/2014/01/contes-et-legendes-du-communisme.html