L’enjeu des prochaines élections municipales est-il, comme la plupart des médias « mainstream » le serinent, un front du rejet anti-Hollande ou, au contraire, un surgeon du sursaut des classes moyennes ?
On peut aisément conjecturer qu’il empruntera à ces deux dynamiques politiques et sociales.
Une participation en hausse ?
Le scrutin des municipales, bien que faisant la part belle à la proximité, a toujours été moins bien fréquenté que la présidentielle, la reine des élections au suffrage universel direct. Ainsi, aux dernières élections de 2008, 35,5% des électeurs se sont abstenus (contre « seulement » 20,5% à la présidentielle). Chiffres à relativiser, toutefois, si on les compare à ceux des scrutins régionaux de 2010 (plus de 53% d’abstentionnistes), des législatives de 2012 (44,5%), des européennes de 2009 (près de 60% !), voire des cantonales de 2011 (environ 56%). Autant de chiffres qui, néanmoins, n’illustrent qu’imparfaitement le désaveu de nos compatriotes pour la politique, ainsi qu’en atteste le baromètre de la confiance politique commandé par le Cevipof et le CNRS et publié le 13 janvier dernier.
Si 87% des Français estiment que les responsables politiques ne se préoccupent peu ou pas du tout de ce qu’ils pensent, ils sont, nonobstant, 57% à déclarer s’intéresser plus ou moins à la politique, tandis que 63% persistent à penser que le bulletin de vote reste le meilleur moyen d’exercer une influence sur les décisions politiques, plutôt que de manifester dans la rue (32%) ou de faire grève (23%). Cette prise de pouls de l’opinion révèle, en outre, qu’un tiers de l’électorat est prêt à voter pour Marine Le Pen et ses représentants figurant sur les listes Rassemblement Bleu Marine, la cote de popularité de la pasionaria frontiste talonnant de deux points celle de Nicolas Sarkozy (36%, -1 point sur une an). La conclusion prospective qui s’impose, dès lors, est que, d’une part, l’on devrait observer une hausse de la participation lors des échéances de mars, d’autre part, que les Français, à défaut de voir surgir l’homme (ou la femme) providentielle, aspirent à une certaine restauration de l’ordre public, lato sensu.
Une poussée de la droite souverainiste ?
A l’instar de la dernière élection présidentielle, les élections municipales auront comme toile de fond la mondialisation (et ses conséquences en termes de désindustrialisation, donc d’appauvrissement des territoires) et le multiculturalisme (caractéristique patente de l’échec du modèle assimilationniste français), deux causes à l’origine de ce que le géographe, Christophe Guilluy, a dénommé « les fractures françaises ». C’est dire que, fondamentalement, c’est la question sociale qui sera au cœur d’un scrutin lequel, en dépit de son fort localisme, peut de moins en moins ignorer le contexte national et mondial (le chômage endémique comme conséquence du libre-échangisme économique), en même temps qu’il accentuera trois types de césures pouvant parfois se recouper. Une césure territoriale entre les métropoles et les zones urbaines ou rurales périphériques, une césure sociologique entre les couches populaires des limes et les classes supérieures des grandes villes et enfin une césure démographique opposant les minorités ethniques surreprésentées des banlieues, les « bobos » des villes et les classes populaires reléguées dans les franges subrurales ou suburbaines.
Ce constat a été parfaitement opéré, tant par les démographes Emmanuel Todd et Hervé Le Bras dans leur maître-ouvrage, Le mystère français (cf. notre chronique « L’héritage des territoires », dans L’AF 2000, n°2864), que par le géographe Christophe Guilluy (Fractures françaises, Flammarion, 2013). Alors que, nous disent les premiers, « aujourd’hui, l’ouvrier (…) est rural et comme dissous dans le territoire, [qu’il] ne voisine pas avec ses compagnons de travail mais avec des agriculteurs et, plus encore, avec des employés », cet éparpillement (pour ne pas dire cette dilution) des classes populaires traditionnelles s’explique, selon le second, par une implosion de la classe moyenne sur le plan économique (baisse ou stagnation des salaires et du niveau de vie, précarisation de l’emploi, déclassement), que par sa paradoxale survivance, en tant que « concept intégrateur », sur le plan culturel et identitaire. En effet, comme le souligne pertinemment ce dernier, « l’adhésion, y compris d’une partie des couches populaires à ce concept culturel souligne une volonté, celle de ne surtout pas faire partie de cette ‘‘autre France’’, celle des banlieues ».
A noter, par ailleurs, que sous l’effet de désastreuses « politiques de la ville » mêlant impératifs de mixité sociale, constructions massives de logement sociaux et foyers d’accueils divers, les édiles (principalement socialistes) des moyennes et grandes villes, au moyen du formidable levier des intercommunalités (dont ils dirigent souvent les exécutifs) et avec la complicité plus ou moins active de maires gaucho-compatibles, délestent leurs banlieues saturées et encombrées, au détriment de leurs ceintures périurbaines ou rurales. A cette aune, la droite souverainiste et antimondialiste peut espérer atteindre de bons, voire d’excellents résultats au sein de territoires oubliés, peuplés de cette majorité invisible qui émerge péniblement d’une gueule de bois de plus de trente ans. La gauche et la droite libérales-libertaires des grandes villes continueront, quant à elles, à se partager les places, les commissions et les prébendes, toujours en entretenant l’illusion d’une alternance de plus en plus factice.
par Aristide Leucate
L’AF 2881 - lactionpolitique.hautetfort.com
http://www.actionfrancaise.net/craf/?Municipales-2014-quels-enjeux