Battu, défait, vaincu, ratatiné, écrabouillé, ridiculisé par ces municipales, François Hollande voudrait tenter « quelque chose » - et éventuellement n’importe quoi - pour essayer de reprendre pied. A force de s’enfoncer dans les sondages et les sables mouvants de ses incohérences, le bonhomme se noie et s’agite dans tous les sens comme un pauvre diable.
Après une telle défaite, un vrai démocrate (comme il n’y en a plus guère, il est vrai) aurait évidemment ou démissionné, à la manière de de Gaulle, en 1969, le soir même de son échec au référendum, ou, au moins, prononcé la dissolution de l’Assemblée, ce qu’avait fait Chirac en 1997, devant la crise de régime provoquée par les maladresses de Juppé.
Mais Hollande préfère s’accrocher et faire mine de croire que la gigantesque claque que viennent de lui administrer les Français s’adressait, en fait, plus à Jean-Marc Ayrault et à certains de ses ministres qu’à lui-même. Alors qu’en ce début de « printemps français », les électeurs, en déposant leur bulletin dans l’urne, lui ont crié un « Dégage ! » tonitruant, il répond à leur colère en changeant de Premier ministre et en remaniant son gouvernement. C’est, bien sûr, dérisoire et pitoyable.
En nommant Manuel Valls, c’est-à-dire son contraire et son ennemi programmé, à Matignon, Hollande fait un peu penser à Pompidou nommant Chaban, en 1969, ou à Mitterrand nommant Rocard, en 1988.
En 1969, les gaullistes reprochaient au nouveau président de n’avoir pas été résistant pendant la guerre et, plus encore, d’avoir trahi de Gaulle avec son fameux « appel de Rome ». Pour les faire taire, Pompidou avait donc appelé un Compagnon de la Libération pur jus, Chaban. En 1988, réélu mais contesté, Mitterrand avait appelé celui qui le contestait le plus, Rocard. Dans un cas comme dans l’autre, les choses s’étaient très mal terminées pour ces deux Premiers ministres que leur séjour à Matignon avait définitivement mis hors-jeu. Pompidou et Mitterrand étaient des malins ; ce n’est pas le cas de Hollande, de toute évidence.
Hollande veut croire que, par leurs votes, les Français lui ont demandé de donner un « coup de barre » à droite. Il leur offre donc ce qu’il a de mieux dans le genre. Il pense ainsi les calmer tout en rêvant, bien sûr, de tuer à tout jamais ce petit ambitieux qui se voit déjà candidat en 2017.
Il est évident que Valls à Matignon va, effectivement et très rapidement, voir sa cote insolente de popularité s’effondrer et perdre ainsi toutes ses chances pour 2017, même s’il tente de mener la vie dure à son président. Dans deux mois, ce sera d’ailleurs lui qui apparaîtra comme le responsable officiel de la nouvelle déculottée que la gauche va prendre lors des élections européennes. Valls sera carbonisé dans les deux mois.
Mais Valls ne sauvera pas Hollande pour autant. Sous la Vème République, et a fortiori depuis l’instauration du quinquennat, l’homme de Matignon n’est qu’un second couteau et, quoi qu’on dise et quoi qu’il fasse, le président est seul sur le devant de la scène, avec les mains dans le cambouis.
Il y a bien longtemps que tout le monde a oublié l’article 20 de la Constitution : « Le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ».
Hier soir, Hollande nous a d’ailleurs rappelé que c’était lui, et lui seul, qui « déterminait » la politique de la Nation en nous répétant qu’il allait mettre en œuvre « son » Pacte de responsabilité (auquel plus personne ne comprend plus rien) et en ajoutant qu’il y aurait désormais, aussi et en même temps, un autre pacte, le Pacte de solidarité, dont il n’a d’ailleurs pas précisé le contenu. De pacte en pacte, le président continue à se bercer d’illusions et à nous raconter des balivernes.
La nomination de Valls va sans doute nous débarrasser de Cécile Duflot, et on veut croire que Christiane Taubira, avec laquelle le nouveau Premier ministre entretient des relations exécrables, sera si ce n’est renvoyée dans sa Guyane natale du moins reléguée dans le magasin des accessoires inutiles, voire nuisibles.
Mais on peut craindre le pire puisqu’il paraît que Ségolène Royal fera une entrée triomphale dans le gouvernement et qu’Arnaud Montebourg, Benoit Hamon et Najat Vallaud-Belkacem auront de l’avancement. Le « coup de barre » à droite risque donc de se réduire à un nouveau grand écart totalement incohérent.
On nous dit que Hollande veut ménager sa majorité parlementaire. Qu’il n’ait aucune inquiétude. Il n’a rien à craindre. Les députés, de droite comme de gauche, sont, par définition, des godillots. Même ceux qui osent émettre certaines réserves dans leur circonscription devant leurs électeurs furieux, voteront comme un seul homme la confiance à n’importe quel gouvernement, les pactes les plus farfelus et les volte-face à répétition qu’on leur présentera.
Ce qui compte aujourd’hui ce n’est ni ce nouveau Premier ministre, ni ce gouvernement qu’on va nous sortir demain, ni les états d’âme de cette majorité. C’est de savoir si le président de la République va enfin décider d’abandonner ses lubies, son sectarisme, sa médiocrité pour devenir un homme d’Etat.
Mais qui peut croire un seul instant que, même après avoir reçu une telle raclée, Hollande puisse soudain se métamorphoser ainsi ?
Thierry Desjardins
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