Dans un entretien au magazine "Der Spiegel", la présidente du FN attaque de front Angela Merkel et appelle à la destruction de l'Union européenne.
Rarement une interview d'une personnalité politique européenne aura autant semé le trouble en Allemagne. Depuis 24 heures, elle a provoqué beaucoup de réactions sur la Toile, et beaucoup de commentaires catastrophés en "off" de hauts responsables qui se disent "choqués". Marine Le Pen a accordé à l’hebdomadaire de référence Der Spiegel un long entretien, paru ce lundi 2 juin.
Titré "Attention, Mme Merkel", cette interview a immédiatement provoqué n grand émoi dans les rédactions. D’autant qu’il est très rare que cet hebdomadaire consacre autant de place à des interviews, a fortiori, à des personnalités étrangères (4 pleines pages).
Les éditorialistes des quotidiens allemands mettent notamment en exergue cette affirmation choc de Marine Le Pen : "Je veux détruire l’Union européenne". Et le tabloïd Bild se demande en «une» qui est "cette femme devant laquelle l’Europe tremble?". L’hebdomadaire Stern note que la patronne du Front national s’exprime de manière "directe et décomplexée".
"l'Europe c'est la guerre"
De fait, Marine Le Pen ne mâche pas ses mots. Après avoir affirmé que "la France" voulait "reprendre son destin en main", elle assène que "l’Europe c’est la guerre" (économique), mais aussi "un monstre antidémocratique" et qu'elle veut "éviter qu’il grossisse plus encore".
"Je veux détruire l’Union européenne, pas l’Europe", précise-t-elle. Son modèle ? "L'Europe d’Ariane et d’Airbus". A l'opposé de ce qu'elle considère aujourd'hui comme une "Europe soviétique". A la question, "Voulez-vous aller à Bruxelles uniquement pour combattre le système ?", elle répond tout de go: "Et pourquoi pas?"
Mais ce sont surtout ses saillies contre l'Allemagne qui choque outre-Rhin. S’agissant de la politique menée par Angela Merkel, elle estime qu’elle est "bonne pour l’Allemagne mais nuisible pour tous les autres pays". Marine Le Pen n'hésite pas à tacler la chancelière allemande: "Elle croit qu’on peut faire de la politique contre la volonté des populations", mais, prévient-elle "si elle ne voit pas les souffrances auxquelles sont soumises les autres peuples européens, l'Allemagne se fera détester." Elle agite le spectre d’une implosion de l’Europe et insiste sur cet "euro fort" qui "ruine" la France.
Une différence de coeur
Marine Le Pen touche ainsi à deux tabous allemands. L’euro que nos voisins veulent stable, et dont ils refusent de faire varier le taux de change. Et surtout l’image de l’Allemagne au sein du Vieux continent. En 2011-2012, après la crise grecque et les manifestations contre l'Allemagne, Berlin a envoyé ses diplomates prêcher la bonne parole dans toute l’Europe pour répéter, rabâcher même que le pays n’a aucune visée hégémonique.
La présidente du Front national frappe fort. Elle n’hésite pas à affirmer, au grand étonnement de nos voisins qui ne comprennent pas forcément la connotation historique, que l’Allemagne est le "cœur économique de l’Europe", tandis que la France est "son cœur politique". Et de conclure que ce qui arrive en France aujourd’hui (l’arrivée du Front national) "annonce ce qui va arriver dans le reste de l’Europe: le grand retour des nations, que l’on voulait éliminer". Un discours qui, compte tenu de leur histoire, met toujours les Allemands mal à l’aise.
Sabine Syfuss-Arnaud
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