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Pour en finir avec la civilisation occidentale

« Cette Europe qui, dans son incalculable aveuglement, se trouve toujours sur le point de se poignarder elle-même, écrit Martin Heidegger dans son Introduction à la métaphysique, est prise aujourd’hui dans un étau entre la Russie d’une part et l’Amérique de l’autre. La Russie et l’Amérique sont, toutes les deux, au point de vue métaphysique la même chose : la même frénésie de l’organisation sans racine de l’homme normalisé. Lorsque le dernier petit coin du globe terrestre est devenu exploitable économiquement [...] et que le temps comme provenance a disparu de l’être-là de tous les peuples, alors la question : « Pour quel but ? Où allons-nous ? Et quoi ensuite ? » est toujours présente et, à la façon d’un spectre, traverse toute cette sorcellerie. » 

     Dans les campagnes françaises, on ne danse plus la gigue ou la sardane les jours de fête. Le juke-box et le flipper ont colonisé les derniers refuges de la culture populaire. Dans un collège allemand, un garçon de dix-huit ans achève de crever d’overdose, recroquevillé au fond d’une pissotière. Dans la banlieue de Lille, trente Maliens vivent entassés dans une cave. A Bangkok ou à Honolulu, vous pouvez, pour cinq dollars, vous envoyer une fillette de quinze ans. « Ce n’est pas de la prostitution puisque toute la population le pratique », précise une brochure touristique américaine. Dans la banlieue de Mexico, une firme américaine de production de skate board licencie une centaine d’ouvrières. Houston estime qu’il est plus rentable de s’installer à Bogota... 

     Tel est le visage hideux de la civilisation qui, avec une logique implacable, s’impose à tous les continents, arasant les cultures sous un même mode de vie planétaire et digérant les contestations sociopolitiques des peuples qui lui sont soumis dans les mêmes habitudes de mœurs (standard habits). A quoi sert, en effet, de crier US go home si l’on porte des jeans ? Pour Konrad Lorenz, cette civilisation a trouvé pire que l’asservissement ou l’oppression : elle a inventé la « domestication physiologique ». Et plus efficacement que le marxisme soviétique, elle réalise une expérience sociale de fin de l’histoire. Avec pour objectif d’assurer partout le triomphe du type bourgeois, au terme d’une dynamique homogénéisante et d’un processus d’innovation culturelle. 

     Cette civilisation dans laquelle les peuples d’Asie, d’Afrique, d’Europe et d’Amérique latine sont aujourd’hui englués, il nous faut bien la désigner par son nom : c’est la civilisation occidentale. La civilisation occidentale n’est pas la civilisation européenne. Elle est le fruit monstrueux de la culture européenne, à laquelle elle a emprunté son dynamisme et son esprit d’entreprise, mais à laquelle elle s’oppose fondamentalement, et des idéologies égalitaires issues du monothéisme judéo-chrétien. Elle s’accomplit dans l’Amérique qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, lui a donné son impulsion décisive. 

     Il convient dès lors de distinguer la civilisation occidentale du système occidental, celui-ci désignant la puissance qui entraîne l’expansion de celle-là. Le système occidental ne peut en outre être décrit sous les traits d’un pouvoir homogène et constitué en tant que tel. Il s’organise en un réseau mondial de micro-décisions, cohérent mais inorganique, ce qui le rend relativement insaisissable et, partant, d’autant plus redoutable. Il regroupe notamment les milieux d’affaires des pays membres de l’OCDE, les états-majors d’une centaine de firmes transnationales, un fort pourcentage du personnel politique des nations « occidentales », les sphères dirigeantes des « élites » conservatrices des pays pauvres, une partie des cadres des institutions internationales, et la plupart des rouages supérieurs des institutions bancaires du monde « développé ». 

     Le système occidental tient son épicentre aux Etats-Unis. Il n’est pas d’essence politique ou étatique, mais procède par mobilisation de l’économie. Négligeant les Etats, les frontières, les religions, sa « théorie de la praxis » repose moins sur la diffusion d’un corpus idéologique ou sur la contrainte que sur une modification radicale des comportements culturels, orientés vers le modèle américain. 

Guillaume Faye, Eléments n°34, automne 1980

http://www.oragesdacier.info/2014/08/pour-en-finir-avec-la-civilisation.html

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