Un article du Guardian lève le sombre voile sur l'industrie des mères porteuses au Mexique.
Cinq jour après sa césarienne, Nancy monta dans un bus de nuit à Villahermosa et rentra chez elle au bout de 10h de voyage. A la place d’un bébé, elle serrait une liasse de billets dissimulée dans un sac à main bleu qu’elle ne perdit jamais de vue. Le cash était le versement final de son salaire (7000£) pour avoir porté le bébé de deux gomosexuels de San Francisco.
Après une année traumatisante pendant laquelle elle fut abandonnée par l’agence censée s’occuper d’elle, et accusée faussement de réclamer un plus gros salaire aux futurs parents, Nancy se demandait vraiment si tout cela avait valu le coup. « Tout ce que je voulais c’était récupérer l’argent, rentrer chez moi, me reposer et oublier tout ça » dit la jeune femme de 24 ans dans un quartier pauvre de Mexico City. « Et maintenant l’argent s’est envolé. »
Cette histoire en dit long sur le contexte au Mexique où les mères porteuses sont de plus en plus nombreuses. On entend de plus en plus d’histoires sordides d’agences malhonnêtes dérobant argent et embryons, soumettant les femmes enceintes à des abus psychologiques, et trafiquant leurs systèmes de paiement. Il s’avère aussi que les mères porteuses sont recrutées sans sérieuse appréciation de leur stabilité mentale et physique. Une histoire relate comment la santé du nouveau-né en a pâti suite à une infection de la mère.
Les agences se prétendent légitimes, mais en réalité elles opèrent pour la plupart à l’insu de la loi qui exige l’altruisme de leur commerce. Il arrive même que la féroce compétition amène les agences à « chiper » les mères porteuses des agences rivales.
Le commerce de mères porteuses a été accepté dans quelques Etats d’Amérique, mais coûte environ 100 000$ ; les agences de tourisme de soins ont donc trouvé une niche profitable en coordonnant ce genre de services pour bien moins cher. Se faisant connaître surtout par Internet, s’adressant par-dessus tout aux homosexuels, les agences offrent des réseaux de donneurs, de cliniques, et de femmes disposées à « louer leur utérus », tout ceci pour moitié moins cher qu’aux US.
Les agences arrivèrent en grand nombre au Mexique, promettant aux clients le sable, la mer, le soleil,... et une mère porteuse. Elles précisaient que l’endroit où avait lieu l’implantation par fécondation in vitro importait peu, du moment que la naissance avait lieu dans leur centre.
Une des agences pionnières, Planet Hospital, est accusée d’avoir détourné les versements d’une douzaine de clients pour des procédures inachevées ou bâclées. L’agence, basée en Californie, fut poussée à la banqueroute et fait face à une investigation du FBI. Quand l’agence ferma, elle laissa 5 femmes enceintes et d’autres en attentes d’implantation.
La vulnérabilité des mères porteuses tient en partie de leur posture délicate face à la loi. Le code civil de la région exige que la procédure ait des fins « altruistes », dans l’idée de miser sur l’affluence des femmes pauvres de la région pour aider des riches étrangers, souvent homosexuels, à devenir parents en échange de peu d’efforts. Beaucoup de mères porteuses viennent aider ces personnes à devenir parents, mais comptent surtout sur la rentrée d’argent, sans comparaison avec les salaires dérisoires des jobs qu’on leur propose. Or, réclamer un salaire les contraint à pénétrer dans ce terrain miné de non-dits et de désinformation.
Une femme porteuse témoigne que le salaire est triple que celui qu’elle reçoit en tant que femme de ménage, et qu’elle le fait pour ses trois enfants. « C’est un boulot dur mais c’est mieux que la prostitution, ce qui est la seule autre chose que l’on vous propose ici pour gagner un peu plus. »
Les agences ne mentionnent pas le salaire sur leurs sites internet, mais en entretien parlent aisément de l’altruisme comme une clause facilement contournable.
Pour éviter des contrôles, l’agence Mexico Surrogacy concocta une aide charitable qui reçoit des « dons » de la part des futurs parents, don qui ensuite est remis à la mère porteuse sous forme d’ « aide ». Cette agence se félicite de tout faire pour prendre soin des mères porteuses, « leur capital le plus important », mais pourtant admet que ces femmes n’ont aucun recours légal pour forcer les agences à honorer leurs promesses. La mère porteuse peut se retrouver avec un enfant qu’elle n’avait pas prévu, si les clients changent d’avis durant la grossesse. Le contrat peut les nommer comme responsable du bébé, mais s’ils ne se présentent pas à la naissance, il n’y a aucune garantie pour la suite.
Ceci étant, même les femmes directement victimes des aléas sombres de ce commerce ont du mal à renoncer aux promesses qu’il représente. Même Nancy, qui a encore du lait car elle n’a pas l’argent nécessaire pour prendre les médicaments nécessaires 4 mois après la naissance, songe à une deuxième tentative. «Je sais comment m’y prendre maintenant. »...