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Frédéric Pichon : « Le vrai clivage passe entre les tenants du mondialisme et les partisans de l'enracinement »

Président du Collectif des Avocats contre la répression policière et idéologique, Frédéric Pichon a défendu de jeunes militants du Printemps français et de la Manif pour tous. Il s'est présenté aux dernières élections européennes sur la liste d'Aymeric Chauprade (FN).

La notion politique de droite et de gauche vous semble-t-elle avoir encore un sens ?

Non, je pense qu'elle n'en a plus aujourd'hui, compte tenu du phénomène de mondialisation qui s'est développé depuis la chute du mur de Berlin. Aujourd'hui, le vrai clivage me semble passer entre les tenants du mondialisme et du cosmopolitisme - c'est-à-dire du déracinement de tout ce qui crée le lien social : nation, famille, région, entreprise... - et les partisans du réel et de l'enracinement, qui se réfèrent à trois notions incontournables et complémentaires : l'identité, la souveraineté et les valeurs anthropologiques.

Je vous propose de les considérer l'une après l'autre, en commençant par l'identité. C'est un thème qui soulève la polémique, comme on l'a vu sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Quel sens lui donnez-vous ?

La conception que je m'en fais n'est pas statique, mais dynamique : c'est un héritage, c'est-à-dire un déterminisme, comme disait Barrés, mais elle suppose aussi un volontarisme, que l'on retrouve chez Renan, et ces deux caractères se complètent : une nation, une communauté, c'est un principe vivant, pas un musée. Aujourd'hui cette notion d'identité se décline à différents niveaux : familial, local, régional, national et plus largement à l'échelle de la civilisation européenne. Elle ne se réduit pas à une dimension ethnique, mais englobe aussi la religion, la culture, la langue, la gastronomie... Le pape Jean Paul II parlait ainsi des coutumes qui permettent à l'homme d'appréhender le monde, non seulement d'un point de vue philosophique, mais aussi plus concrètement, dans la vie quotidienne. Les façons de vivre, de travailler et de manger d'un Européen ne sont pas celles d'un Asiatique ou d'un Africain. L'homme est un être enraciné, qui a une histoire, une filiation non seulement biologique, mais aussi culturelle.

Concernant la deuxième notion que vous avez évoquée, celle de souveraineté, les approches qu'en ont Nicolas Sarkozy et François Hollande diffèrent peu. Le souverainisme ne serait donc pas plus une idée de droite que de gauche ?

Sous Sarkozy comme sous Hollande, il n'y a plus de souveraineté politique. Depuis quarante ans, et même depuis la mort de De Gaulle, on assiste au déclin du politique, au profit d'une notion que l'on appelle la « gouvernance ». Une kyrielle d'instituts moraux, para-étatiques, supranationaux, qui ont de plus en plus de pouvoir, visent à se substituer non seulement à l'Etat, mais aussi à la souveraineté populaire, dont le principe est battu en brèche depuis longtemps. Après 1968, la droite a abandonné à la gauche les valeurs, qu'elles soient familiales ou d'identité, pour se concentrer sur les affaires : c'est Pompidou, la banque Rothschild, la loi de 1973 empêchant l'État de se financer auprès de la Banque de France à taux gratuit - mesure qui n'est pas anodine, puisqu'elle contraint l'Etat à emprunter sur les marchés financiers et le rend ainsi dépendant du système bancaire financier... À peu près à la même époque, sous Giscard d'Estaing, le regroupement familial a été mis en place en 1974, et la loi sur l'avortement votée, en 1975.

Cette concomitance est révélatrice : au moment même où la France et l'Europe renonçaient à défendre la vie, elles conféraient par substitution aux populations étrangères le soin d'assurer le renouvellement des générations. A suivi, en 1976, l'abandon de la notion de préférence communautaire au niveau européen: tout cela s'est passé sous des gouvernements de droite ! Aujourd'hui, on assiste à une convergence entre les « valeurs » nihilistes de la gauche et celles de la finance, ce qui produit l'idéologie libérale-libertaire. C'est ce système qui nous gouverne et c'est pourquoi il n'y a pas beaucoup de différences entre Sarkozy et Hollande, en dépit des discours rhétoriques tenus à six mois des élections, qui ne visent qu'à tromper l'électeur de droite.

Quelles sont, enfin, les « valeurs anthropologiques » auxquelles vous vous référez ?

C'est le primat du principe de réalité : la vie, la famille, dans la Cité, commencent par l'union d'un homme et d'une femme. Aujourd'hui, après s'être attaqué à la religion par une conception dévoyée de la laïcité qui est en réalité une conception athée et matérialiste, on tente de dévoyer la nature humaine, c'est-à-dire en quelque sorte la création, en inversant les concepts et en mettant notamment en cause, par le biais d'idéologies comme celle du « genre », la notion d'altérité homme-femme, qui est un élément fondateur et structurant de toute l'humanité.

J'insiste sur le caractère complémentaire deces trois éléments : identité, souveraineté et valeurs anthropologiques. Dans certains milieuxcatholiques, on se montre intransigeant sur lesvaleurs mais on ferme les yeux sur le travail ledimanche, les délocalisations, ou la mondialisation financière. D'autres, au contraire, mettentl'accent sur la souveraineté, mais une souveraineté froide, étatique, sans identité, sans corpusdoctrinal et qui ne protège pas les valeurs - celane tient pas non plus la route, faute de contenu.Il faut aussi rétablir le politique, car tous cesgens qui souhaitent défendre les valeurs nepourront pas y parvenir concrètement s'ils nes'attaquent pas au système mondialiste marchand, qui vise précisément à saper tous les éléments qui permettent à l'homme d'être enraciné, et qui souhaite détruire la Cité pour établirun monde de consommateurs.

Propos recueillis par Eric Letty monde&vie

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