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« Au cœur du volcan/ Carnets de l’Elysée 2007-2012 » de Maxime Tandonnet

André Posokhow, commissaire aux comptes, consultant

♦ L’impuissance de l’Etat vue par l’ancien conseiller immigration de Sarkozy

Un nouveau livre de Maxime Tandonnet, Au cœur du volcan, vient de paraître. L’auteur, haut fonctionnaire et inspecteur général de l’Administration au ministère de l’Intérieur est un spécialiste de l’immigration à laquelle il a consacré un livre. A ce titre il fut le conseiller aux Affaires intérieures et à l’Immigration de Nicolas Sarkozy, président de la République, pendant un peu plus de quatre ans.

Il livre son témoignage sur une expérience qui fut exceptionnelle mais éprouvante. Tandonnet met en exergue la mollesse de nombreux ministres et les hésitations de son entourage de l’Elysée. Il pointe surtout la paralysie de la lutte contre l’insécurité et d’une véritable politique d’immigration due au « garrot » que constituent les médias, les institutions européennes, l’obstacle constitutionnel et surtout la magistrature.

Les larmes aux yeux et la lave au cœur

Tandonnet a noté ce qu’il voyait et entendait. Il livre son témoignage sur une expérience qui fut exceptionnelle. Mais au bout du compte, il n’y a pas que le lecteur à être éprouvé, l’auteur le fut, lui aussi, et terriblement. Comme il le dit : « Je ne pouvais pas une seconde imaginer ce que j’allais voir et vivre. »

• Un Sarkozy sympathique mais sans méthode de travail

Eh bien oui, le personnage présidentiel qui ressort de ce témoignage est plutôt celui d’un homme direct, amoureux de Carla et capable de grandes gentillesses. Il se montre souvent naturel, chaleureux, simple et humain.

Son émotion personnelle face à des meurtres terrifiants comme celui de Laetitia Perrais, dix-neuf ans, martyrisée et tuée à Pornic par Tony Meilhon, multirécidiviste, ou l’affaire du saccage du lycée professionnel de Gagny par une bande de voyous dans un déchaînement de violence inouï paraît sincère. Ses colères contre le manque de réactivité face au fléau de la drogue ou les campements illégaux de nomades ne sont pas simulées. Ses visites nocturnes du 93 sont louables.

Mais c’est justement là que le bât blesse. Souvent plus que d’émotion, il s’agit d’émotivité. N. Sarkozy agit par réaction et décide avec impulsivité après des événements graves. Ceux-ci prennent le pas sur le long ou plutôt le moyen terme, étant donné la durée du quinquennat. Ce président est, au fond, arrivé au pouvoir avec de bonnes et nombreuses idées mais sans une véritable stratégie réfléchie de lutte contre l’immigration et l’insécurité. Il n’y eut pas une réelle programmation de mesures concrètes avec leurs modalités juridiques et administratives et un calendrier. Très fréquemment les décisions ne sont pas suivies d’effet ou se perdent dans l’inertie et la mauvaise volonté de l’entourage et des ministères. Comme à Grenoble il peut parler fort, mais l’action qui devrait suivre n’est ni réfléchie ni organisée. N. Sarkozy se targue beaucoup d’être un homme d’action et de volonté. Trop souvent il s’est agi de velléité.

Plus grave : une note du bas de la page 284 souligne que le pouvoir de décision est concentré à l’Elysée. Or c’est bien à Matignon que se trouve l’appareil du gouvernement. La présidence arrête tous les choix importants mais ceux-ci ne sont pas formalisés et tombent dans l’oubli. De la sorte l’autorité gouvernementale est neutralisée et paralysée. L’hyperactivité du chef de l’Etat détruit l’efficacité et l’autorité de celui-ci.

• Le constat : la politique d’immigration ne marche pas

C’est le président lui-même qui, en juillet 2010, trois ans après son élection, le constate tristement : « Le sentiment des Français est que la politique de l’immigration ne marche pas. »

Certes, de bonnes choses furent décidées et faites

Il ne serait pas objectif de ne pas souligner les efforts et les réussites :

-la nomination d’inspecteurs des services fiscaux dans les cités sensibles, que le chef de l’Etat imposa contre vents et marées, s’est révélée comme une des mesures les plus efficaces contre le trafic de drogue, de même que la création des GIR, les Groupes d’intervention régionaux pour lutter contre la criminalité ;

-les peines planchers contre les récidivistes ;

-la loi anti-bandes et la police d’agglomération dont M. Tandonnet dit avec une certaine fierté qu’elle est sortie de son imagination et de son expérience du terrain ;

-la loi du 11 octobre 2010 qui interdit le port de la burqa ;

-la nomination du préfet Lambert dans le 93.

Notons toutefois qu’il s’agit pour la plupart de mesures qui visent plus l’insécurité, c’est-à-dire la conséquence, que l’immigration à proprement parler.

 Mais il y eut aussi des décisions contestables

Retenons deux exemples :

-entre 2007 et 2012, il y eut 10.700 suppressions de poste de CRS et de gendarmes ;

-en 2010, à l’initiative d’Eric Besson, le projet de loi sur l’immigration a supprimé le « délit de solidarité » sanctionnant les associations qui aident les migrants en situation illégale, même en l’absence d’un but lucratif.

 Trop de projets n’eurent pas de suite ou firent long feu

La liste des projets qui n’eurent pas de suite est impressionnante :

-le projet des tests ADN en matière d’immigration fut abandonné après s’être heurté à une tempête médiatique d’une violence inouïe ;

-le projet d’instituer des quotas ou plafonds d’immigration ne dépassa pas l’intention ;

-la transformation du fichier EDWIGE en EDVIRSP ;

-la reconduite des migrants du Calaisis dans leur pays d’origine par vols collectifs ;

-le débat sur l’identité nationale lancé par Eric Besson ;

-l’installation de la vidéo-protection dans les communes.

Des idées ou des projets importants sont arrivés trop tard

Il paraît incompréhensible que des projets aient été formulés si tard dans le quinquennat.

-C’est le cas de la loi sur l’immigration qui permettait des avancées comme rendre le regroupement familial et les mariages mixtes plus difficiles. Mais pourquoi avoir attendu 2011, à un an de l’élection présidentielle ?

-Des idées importantes n’ont trouvé leur place que dans le programme électoral de la campagne présidentielle en janvier 2012 : réduction du flux migratoire de moitié, possible sortie de Schengen, référendum sur l’immigration illégale.

L’inacceptable a été trop souvent accepté

Le constat, forcément partiel et incomplet, est accablant ; en réalité, angoissant :

-L’AME n’a pas été remise en cause ; un ticket modérateur a été seulement maintenu, avec beaucoup de mal d’ailleurs ;

-Les violences se sont succédé sans qu’une véritable réponse de fond soit apportée : émeutes de Villiers-le-Bel, agressions antisémites, campements sauvages d’Afghans dans le Calaisis, saccage du lycée professionnel de Gagny, chaos et anarchie à la Courneuve, agressions d’autobus à Tremblay-en-France à la suite du démantèlement d’un trafic de drogue, etc. ;

-La question des nomades fut lancinante : campements illégaux, émeute à Saint-Aignan-sur-Cher ;

-Toujours subir : en 2010 on apprend, par le directeur du ministre de l’Education nationale, que chaque année les écoles du 93 reçoivent 3.000 enfants supplémentaires dont on ne sait d’où ils proviennent, probablement de l’immigration illégale. Ce phénomène impose l’ouverture d’une centaine de classes spécialisées supplémentaires ;

-Le 22 juin 2010, le préfet du 93 fit à l’Elysée un tableau apocalyptique de la situation du département : quartiers soumis à l’économie parallèle et au trafic de drogue, familles dont les seules ressources sont les prestations sociales et la criminalité, profusion d’armes de guerre, arrivées massives de migrants clandestins, etc., etc., etc. ;

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