En 2014, la violence d’État est devenue la norme. Pour les manifestants de Sivens, les bonnets rouges ou les militants de la Manif pour tous, la liberté est devenue l’exception.
La dernière fois qu’un fonctionnaire de police a été tué dans un attroupement armé, c’était à Montredon-des-Corbières, à côté de Narbonne, en 1976, au cours d’une énième révolte de vignerons. Décharges de chevrotine contre rafales de MAT 49 : des hommes tombent, dont un – le commandant de la Compagnie républicaine de sécurité – ne se relèvera jamais. Son dernier ordre de chef lucide a été de faire cesser le feu, faire cesser le drame. Affrontement d’homme à homme, bref et brutal, les armes à la main, au lendemain de la guerre d’Algérie.
La dernière fois qu’un manifestant a été tué, c’était à Sivens, le 27 octobre 2014. 40 ans séparent ces deux morts tragiques et une chose est frappante : la disproportion flagrante entre « l’agression » et la riposte mortelle des forces de l’ordre. Grenades offensives contre pétards. Casques lourds contre cailloux. Salaires, repos compensateur et retraites garanties contre bénévolat militant. Quel est donc cet ennemi contre lequel on peut dégoupiller, en France, une grenade offensive, c’est-à-dire une arme destinée à réduire, par la manœuvre et le feu, un ennemi armé et retranché ? Le manifestant n’est-il plus un citoyen dont il faut protéger le droit de manifester ? Est-il devenu un ennemi des forces de l’ordre ? Comme si la notion même de liberté et de légitime défense pouvait échapper à ceux qui devraient en être les gardiens et dépositaires ultimes.