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A lire : La gauche et le peuple, de Jacques Julliard et Jean-Claude Michéa

LaGaucheEtLePeuple_CouvBandeau.jpgS’il fallait se convaincre de l’incroyable modernité de ce développement socialiste de la vieille idée aristotélicienne selon laquelle l’homme est, par essence, un animal politique, il suffirait de considérer un seul instant la question, devenue emblématique, du travail dominical (est-ce d’ailleurs tout à fait un hasard si le premier essai politique de Proudhon – écrit en 1839 – était une célébration du dimanche ?) Comment ne pas voir, en effet, que c’est précisément au nom du droit absolu de chacun (considéré – pour reprendre la formule de Marx – en tant qu’individu « séparé de l’homme et de la communauté ») à organiser son temps et sa vie quotidienne en fonction de ses seuls intérêts privés qu’on nous presse désormais d’en finir avec ce terrible « tabou » d’un autre âge ? Au nom, par conséquent, du vieux dogme libéral selon lequel tous les contrats peuvent nouer, à titre privé, deux individus adultes et consentants (qu’il s’agisse, par exemple, d’une prostituée et de son client ou d’un employeur et de son employé) ne devraient en aucun cas « regarder » la collectivité ni, a fortiori, légitimer le moindre contrôle ou la moindre intervention de sa part. Et cela, quand bien même il serait possible de pointer à l’avance toutes les retombées négatives que ces choix – présentés comme entièrement « libres » et strictement « individuels » – auront inévitablement, à terme, sur la forme, le contenu et la qualité de la vie collective (à commencer par ce fait économique élémentaire : le jour où le dimanche sera effectivement devenu un jour comme les autres, il n’existera plus la moindre raison – d’un point de vue patronal – pour continuer à prélever sur le travail dominical une plus-value inférieure à celle qui est prélevée sur celui des autres jours). Or une telle logique – indissociablement économique et culturelle – ne peut, par définition, s’arrêter en si bon chemin. C’est bien elle, par exemple, qui permet déjà de légitimer aussi bien la spéculation boursière et l’exil fiscal (« je fais ce que je veux de mon argent, ça ne vous regarde pas ») que l’idée selon laquelle la prostitution est un métier comme un autre ou l’addiction à la drogue la seule affaire du drogué (« je fais ce que je veux de mon corps, ça ne vous regarde pas »). Et c’est, bien sûr, encore elle – quoique très peu d’esprits à gauche, aient eu le courage politique et intellectuel de l’admettre – qui devait nécessairement sous-tendre l’étrange revendication d’un « mariage pour tous » (en lieu et place d’un pacte d’union civile destiné à donner enfin à tous les couples – quelle que soit leur orientation sexuelle – les mêmes droits protecteurs, notamment après un divorce ou un décès) dès lors qu’on avait préalablement pris soin de réduire l’institution du mariage – conformément au dogme furieusement girondin d’un Noël Mamère – à « un simple contrat passé entre deux personnes par consentement mutuel ». Pur arrangement privé, par conséquent, entre deux individus supposés « séparés de l’homme et de la communauté » et censé n’avoir, à ce titre, aucun effet particulier sur les structures de la vie collective. Alors même qu’il aurait dû être évident – du moins pour quiconque a été initié aux mystères biologiques de la reproduction – que l’institution sociale du « mariage » dépasse toujours le seul point de vue privé du couple dans la mesure où elle met officiellement en jeu la question anthropologique de la filiation et donc, a fortiori, celle du mode de production et d’échange des enfants. Double question philosophique dont on saisira sans doute mieux les enjeux ultimes en se reportant au film prémonitoire d’Andrew Niccol – Bienvenue à Gattaca – qui, dès 1997, décrivait avec la plus grande lucidité les implications inexorablement inégalitaires – enfants de la nature versus enfants perfectionnés de la techno-science et de l’industrie génétique – d’un monde livré aux fantasmes foncièrement eugénistes d’une Christiane Taubira (ou de son mentor Francis Fukuyama).

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