« La civilisation française, héritière de la civilisation hellénique, a travaillé pendant des siècles pour former des hommes libres, c'est-à-dire pleinement responsables de leurs actes: la France refuse d'entrer dans le Paradis des Robots. »
Georges Bernanos, La France contre les robots
Cette nouvelle rubrique a pour objet de proposer des textes pour aider tout un chacun à réfléchir sur des sujets précis et si possible, d'actualité, aujourd'hui : la Patrie. (4)
Patrie, Nation, Etat
A la question : « que, ou qui, défendons-nous ? », il est tentant de répondre : d'abord, nous-mêmes. C'est un réflexe d'auto-défense et de légitime défense qu'il faut étendre aux biens qui dépendent de nous et qui, même matériels, sont « humanisés » par l'amour qu'on leur porte et le besoin que l'on en a : maison, champ, métier. Réflexe qu'il faut aussi, immédiatement, étendre à ceux dont nous avons la charge : nos familles et tous ceux qui constituent avec nous la société, dont nous ne pouvons nous passer et qui ne peuvent pas plus se passer de nous. Cette société, dans laquelle nous sommes enracinés, c'est plus que la commune ou que la région. Il faut une réalité plus forte dans laquelle ces éléments soient structurés, harmoniés, dépassés : c'est moins que le monde,c'est la nation, qui jouit d'un patrimoine et qui est organisée par un Etat. « La famille, la profession, aucun de ces lieux naturels ne met l'homme à même d'exercer la plénitude de ses ressources spirituelles, affectives, morales, scientifiques. Il lui faut un lieu proportionné à ses puissances pour que ce lieu leur fournisse l'occasion de s'affirmer pleinement humaines par le don complet. Telle est la raison d'être de la Patrie. » (1)
Il faut ici préciser dans quel sens nous utiliserons ces trois notions distinctes : Patrie – Nation – État. On peut très brièvement dire que la patrie est à la fois la terre des pères et le capital, l'héritage que nous laissent les aïeux, héritage matériel aussi bien qu'intellectuel, spirituel et moral. La nation ne se conçoit pas sans cet héritage. Mais elle a un caractère spécifiquement humain, c'est l'ensemble des héritiers, ceux qui ont un lien par la naissance (natus) ; elle n'est pas seulement communauté de vivants, mais aussi des morts et des fils à naître. Elle ajoute à la patrie la notion de solidarité dans le temps et dans l'espace, notion de communauté de destin. L'État, enfin, c'est la nation organisée. Il est le serviteur, le fonctionnaire, disait Maurras, de la société.
Amiral (CR) Michel Berger
Extrait de : « Défendre aujourd'hui l'identité nationale ».
Supplément au n° 92 de l'Action Familiale et Scolaire (février 1990).
(1) P. de Chivré, Lumières chrétiennes sur le mot de Patrie.