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J’aurais pu lui démontrer que c’était toujours une bonne chose que de fusiller les notables, à quoi bon ?

Le lendemain, en effet, on m’a mis en présence d’un officier de Londres, membre de la délégation gaulliste, sympathique – si l’on peut dire – assez chauve, agréable à tout prendre. Nous avons écarté mes petits camarades et je l’ai emmené dîner dans un restaurant de Passy. Ensuite nous nous sommes rendus dans un bar que je connais, rue Bois-le-Vent, où l’on est isolé de ses voisins. 

     Cet officier a reconnu que la démocratie ne valait pas les chiottes pour la noyer, puis il a précisé qu’il était opposé aux attentats individuels, que ses chefs de Londres étaient dans les mêmes sentiments, et que leurs raisons à tous étaient fortes et nombreuses. J’ai souri, je lui ai dit : « Je sais qu’en France, de Marcel Cachin au vieux Maréchal, on réprouve ces attentats. Il y a là comme une conspiration de la sagesse qui vise les exaltés. Seulement je ne suis pas exalté et je me fiche de ce pays-ci et de ses offenses de cœur comme de la virginité du Pape. » 

     Tout de suite après avoir parlé, je me suis repenti. Il y avait dans cette déclaration une forfanterie ridicule. D’ailleurs, il me répondit que mes sentiments intérieurs n’entraient pas en jeu et qu’il s’agissait seulement de voir les conséquences : cinquante notables devant un mur. J’aurais pu lui démontrer que c’était toujours une bonne chose que de fusiller les notables, à quoi bon ? 

Roger Nimier, Les épées

http://www.oragesdacier.info/

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