Le 21 janvier, Soulager mais pas tuer manifeste contre l'euthanasie ; le 25, c’est au tour de la Marche pour la vie, qui milite également contre l'avortement. Est-il encore possible de se battre pour une même cause sans faire l'unité ? Famille chrétienne a interrogé Tugdual Derville et Jean-Marie Le Méné à quelques jours de leur mobilisation respective. Un long débat, dont voici deux extraits :
"Une manifestation nationale annuelle et 60 rassemblements dans toute la France, le jour même d’un débat sont deux modes d’action complémentaires. Cela ne doit cependant pas évacuer la question, grave et complexe, de l’unité. Ce qui a présidé à la fondation de Soulager mais pas tuer, au-delà d’Alliance Vita, c’est le souci de l’unité, mais une autre forme d’unité que celle que revendique de façon légitime la Marche pour la vie. Il s’agit de l’unité de toutes les personnes qui sont hostiles à l’euthanasie.
C’est une question d’efficacité : il existe des opposants à l’euthanasie qui ne sont pas hostiles, pour des raisons qui leur sont propres, à d’autres transgressions. Coexistent au fond deux formes d’unité qui ne sont pas contradictoires : une unité de toutes les personnes hostiles à l’euthanasie, qui peuvent s’opposer sur d’autres sujets, et une unité des personnes qui ont des convictions semblables, dans des tonalités sans doute différentes, sur la défense de la vie, de son commencement à la mort naturelle.
L’unité, comme la paix, est un travail qui demande beaucoup de réflexion. Elle ne s’assène pas. Mais en France, je crois que l’on confond trop souvent l’unité avec un fantasme de centralisme démocratique. Au risque de nous laisser enfermer et réduire. Car si on mélange tous les sujets - certains y ajoutant une dimension religieuse -, on réduit nos mobilisations au « plus petit dénominateur commun »."
"La Marche pour la vie a considéré, avec ce qui se passait sur la fin de vie, que la défense de la vie ne se divisait pas. Les deux sujets sont insécables. Le respect de la personne ne se coupe pas en tronçons. On ne peut pas dire : « Je défends la vie à la fin mais pas au début ». À mon sens, il y a encore plus de raison d’être favorable à l’euthanasie qu’il n’y en a d’être favorable à l’avortement. A fortiori, si on accepte de tuer des enfants avant la naissance, il est bien plus facile de considérer comme compassionnel un geste qui mettrait fin à la vie d’une personne malade ou gravement handicapée.
Je comprends la démarche de Tugdual Derville et de Soulager mais pas tuer, mais je suis réservé sur le fait que l’on puisse trouver des personnes qui seraient favorables à l’avortement et défavorables à l’euthanasie. Il en existe peut-être, marginalement, mais cela me paraît tellement incohérent. D’autant plus que l’avortement est l’un des principaux arguments en faveur de l’euthanasie. On le retrouve dans tous les débats parlementaires où l’on entend cette imprécation : « On s’est rendu maître de la vie au début, il n’y a aucune raison de ne pas s’en rendre maître à la fin ». Il faut simplement continuer le mouvement… Intellectuellement et en termes de cohérence, l’exercice que fait Tugdual Derville est très difficile en réalité. À ne pas rappeler les mécanismes du passé, on se condamne à les revivre. Nous sommes d’ailleurs en train de revivre ceux déjà utilisés en 1975 : le terrorisme compassionnel, le monde médical que l’on fait basculer dans le politique, la trahison des élites…"