Quelques extraits d'un très beau plaidoyer pour la liberté d'expression et de conscience, dans le Figarovox. (Le texte vaut la peine d'être lu en entier).
[...]"Vous avez dit «pas d'amalgames», ne demandons pas aux musulmans de se désolidariser du terrorisme. «Pas d'amalgames», et vous demandez aux chrétiens de se désolidariser de leurs bourreaux.[...] Les chrétiens n'ont pas attendu les pétitions parisiennes pour verser le sang et donner des martyrs de la liberté de conscience.[...]
Il a fallu que les tenants d'une idéologie bien identifiée commettent un carnage comme la France n'en a pas connu depuis des dizaines d'années pour que des laïcistes empressés tiennent l'occasion d'accuser «les religions». A la pointe, Elisabeth Badinter explique dans Le1 que «la religion doit se limiter à l'espace familial et aux lieux de culte. La religion, c'est une affaire personnelle». RSF, Elisabeth Badinter en tête, somme les religions de s'engager pour la liberté de les offenser. Et dans Marianne, elle rappelle son combat contre la polygamie et l'excision avant d'enchaîner sur le fait qu'elle ne «pardonne pas à la gauche d'accorder un tel pouvoir aux curés, aux imams et aux rabbins: c'est religieux, c'est sacré!», passant sans sourciller de la polygamie et l'excision au pouvoir des curés. Par un même mystérieux saut dans le raisonnement, les chrétiens se retrouvent ainsi pointés du doigt pour les exactions des terroristes islamistes.[...]
Mais à ceux-là, ceux qui soumettent à l'Église une pétition pour le blasphème, ceux qui veulent confiner la foi à l'intime et au culte, je veux dire simplement: cela n'arrivera pas.[...] Nous ne serons pas réduits au silence, nous ne nous tairons pas, nous ne cantonnerons pas notre foi à l'intime parce que vous voulez nous y contraindre. Des régimes s'y sont essayés par la voie autoritaire: la foi a toujours retrouvé l'air libre. L'Homme est spirituel, il faut vous y faire. [...]
Plus encore, le chrétien qui cantonnerait sa foi à l'intime serait un piètre chrétien. Nous croyons en un Dieu incarné, par Son Fils. Pas éthéré, pas confiné, pas cantonné: incarné. Il a pris chair. Il est venu dans la chair des Hommes, venu dans le malheur du monde, venu prendre sa part du fardeau et soulager leur épreuve.[...] Nous ne cesserons pas, avec l'Église de toujours et avec le pape d'aujourd'hui, d'en appeler sans cesse publiquement au respect de la sacralité de la personne humaine et de sa dignité, en tous temps et en tous lieux, depuis la conception jusqu'à la fin de la vie, depuis les trottoirs de Manille jusqu'aux barques en Méditerranée.
Ce n'est pas sans raisons d'ailleurs que l'on n'a guère entendu les tenants de la laïcité sommer le Père Riffard, qui héberge des demandeurs d'asile dans son église, de confiner sa foi à l'intime. Ce n'est pas sans raisons que l'on n'a jamais entendu quiconque intimer à Mère Teresa, à Sœur Emmanuelle, au Père Pedro et à tous les religieux anonymes publiquement engagés chaque jour de par le monde auprès des plus fragiles, de «limiter la religion à l'espace familial et aux lieux de culte». Ce sont exclusivement les positions de l'Église sur le respect de l'enfant à naître et de la personne en fin de vie, ou sur les mœurs, qui posent problème et incitent à vouloir la faire taire. Ce n'est donc pas l'expression publique des religions qui pose problème, c'est la contradiction. Et rejeter la contradiction au nom de la République, de la démocratie et de la liberté d'expression, voilà qui a de quoi interpeller.
Au bout du compte, la laïcité est ainsi réduite à un artifice, et même à une lâcheté, lorsque l'on prétend incriminer les religions dans leur ensemble plutôt que les comportements précis que l'on dénonce, et que l'on ne sait pas, collectivement, affirmer nettement les valeurs que l'on porte et qui s'y opposent.
Je veux dire aussi, avec respect, à Elisabeth Badinter quel'universalisme qu'elle revendique n'est pas une génération spontanée, hors sol. Si la France porte une tradition universelle, ce n'est pas tout à fait étranger à la contribution du christianisme, et singulièrement du catholicisme (étymologiquement universel) à l'édification de ce pays. Un christianisme qui, même lorsqu'il n'est pas identifié ainsi, est aussi dans l'ADN de ce pays, dans sa chair et son esprit et ce, notamment depuis que des moines copistes, dotés d'une forte inclination à ne pas cantonner la religion à la sphère intime, ont diffusé la culture, que d'autres ont ouvert des hospices ou créé l'Université.[...]
Aussi bien, plus encore aujourd'hui qu'hier, vous ne me ferez pas taire, au nom de la liberté d'expression."