Dans les 10 derniers jours trois importantes manifestations et protestations auraient pu, auraient dû interpeller nos politiques. Non pour qu'ils se contentent comme ils le font trop souvent de se livrer à des opérations de communications, vieilles comme le travail corrosif des sophistes de l'Antiquité, mais pour qu'ils daignent manifester un peu de conscience du monde réel.
En effet, ces trois protestations, en apparence fort disparates rassemblaient les indépendants mécontents à juste titre d'avoir été assujettis de force au RSI, le 9 mars, les professionnels de santé opposés à la généralisation du tiers payant le 17 mars et enfin les routiers soumis à la concurrence des réglementations sociales étrangères et dont les camionneurs ont tenté de peser sur des négociations en vue de faire relever le niveau de leurs rémunérations par des blocages et barrages aux entrées d'autoroutes à partir du 16.
Commençons par cette dernière revendication, classiquement salariale, là aussi en apparence puisque même, et surtout l'intersyndicale des chauffeurs se bat sur le niveau des salaires bruts. Ce faux concept ne veut rien dire : pour les employeurs ce qui compte est le salaire "complet", incluant les charges patronales, cependant que pour le salarié ce qui compte est le salaire net, déduction faite des charges d. Aucun politicien ne veut jamais tenir compte de cette distorsion énorme qui multiplie par 1,8 environ le coût du travail.
À cet égard quand les bureaucraties patronales évoquent, de leur côté, le "coût du travail" en France, elles omettent trop souvent de souligner que c'est d'abord ce multiplicateur qui est en cause.
Abaisser ce multiplicateur représenterait, en fait, la première ligne de réforme possible d'intérêt national, puisque c'est un des paramètres qui pénalisent le plus l'économie du pays, l'enfonçant de plus en plus dans la compétition internationale.
Ceci ne peut aboutir par conséquent que par le libre choix individuel par les salariés de leur mode de protection sociale. Alors, seuls eux qui accepteraient, d'année en année, que 80 % de leur salaire net soient grevés de charges resteront dans le système hybride de ce que nous appelons "la" sécurité sociale : les gestionnaires de ce système qui le présentent pour le meilleur du monde ne devraient pas, de ce point de vue, craindre sa mise en concurrence. Les défenseurs de la liberté quant à eux pensent, au contraire que c'est cette mise en concurrence qui le forcera, d'année en année d'améliorer ses prestations.
C'est en gros la ligne vers laquelle s'orienteront naturellement les contestataires du RSI imposé par la réforme dite "Fillon" de 2003, celle-ci ayant été péniblement mise en place, entre 2007 et 2012, pendant le mandat présidentiel de Nicolas Sarkozy. Comme aussi bien l'ancien chef de l'État que l'ancien Premier ministre affirment désormais que cela a été institué "en dépit du bon sens" (1)⇓ on peut les en croire.
Je serai plus sévère pour les gens qui prétendaient ne protester que contre l'institution du tiers payant généralisé et contre l'irritation, bien compréhensible qu'ils éprouvent devant l'arrogance pour ne pas dire l'autisme de leur ministre Marisol Touraine. Les représentants des professions de santé comme ceux des bureaucraties patronales portent une lourde part de responsabilité dans la survie du système monopoliste. (2)⇓Ils ont donc beaucoup à se faire pardonner s'ils veulent passer pour des défenseurs des libertés.
Les médecins généralistes qui acceptent le carcan des monopoles étatisés pour solvabiliser leurs patients à hauteur de 23 euros la consultation, – quand le ramonage de mon petit chauffe-eau me coûte 92 euros soit exactement quatre fois plus, sans être remboursé par mon assurance habitation, – disposent d'une arme légale absolue qui s'appelle le déconventionnement. Ils devraient en user massivement s'ils prétendent encore à un exercice "libéral".
Bien entendu, ayant travaillé pendant tant d'années à la lutte contre les monopoles assuranciels dits "sociaux", on pourrait en dire plus. Je préfère, quant à moi, m'en tenir là pour aujourd'hui afin de ne pas être accusé, trois jours avant le premier tour du scrutin départemental, de faire le jeu du premier parti de France, … celui des abstentionnistes… qu'alliez vous croire…
JG Malliarakis
Apostilles
- cf. Les déclarations du président de l'UMP à "Nice Matin" le 16 mars qui ont fait bondir deux jeunes chroniqueurs sur "Nouvelles de France" le 18 mars :Crise du RSI : De qui se moque Nicolas Sarkozy ?⇑
- À ce jour le meilleur livre sur ce système insensé reste celui de mon ami Georges Lane "La sécurité sociale et comment s'en sortir.⇑
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