[...]Durant la Seconde guerre mondiale, les Japonais auraient massacré environ trente millions de Philippins, Malais, Vietnamiens, Cambodgiens, Indonésiens et Birmans, dont 23 millions étaient d’ethnie Chinoise. Après le conflit, pourquoi les États-Unis ont-ils employé des politiques différentes envers le Japon et l’Allemagne ? Pourquoi le traité de paix a-t-il été rédigé ainsi ?
De nombreuses hypothèses ont fait leur apparition au fil des années, certains ayant dit que le Japon aurait simplement été trop pauvre pour rembourser ses victimes, que de telles politiques auraient permis d’empêcher un tournant communiste au Japon, ou encore que l’empereur du Japon avait été poussé à faire la guerre par une cabale de militaristes…
L’explication offerte par le livre des Seagrave est considérablement plus sinistre que toutes ces explications potentielles. Elle concerne ce qu’auraient fait les États-Unis après avoir découvert l’étendue et la forme des pillages ayant été menés par le Japon, et la très faible influence de leurs victimes.
[...] Après la défaite du Japon, le gouvernement Américain a cherché à disculper l’Empereur et sa famille de toute responsabilité de guerre. Dès 1948, il a tenté de placer au pouvoir d’anciens dirigeants de guerre (ministre des munitions au cours de la seconde guerre mondiale, Nobusuke Kichi occupa par exemple le poste de premier ministre de 1957 à 1960). Les États-Unis ont également classé confidentielles les archives relatives au Japon d’après-guerre, décision allant à l’encontre de leurs propres lois.
Plus important encore, John Foster Dulles, représentant du président Truman au Japon chargé de mettre fin à l’occupation, rédigea le traité de paix en 1951 de manière à empêcher toute demande de compensation de la part des anciens prisonniers de guerre et victimes du Japon, à la fois auprès du gouvernement Japonais et des corporations du pays ayant profité de l’esclavage tout au long de la guerre. Il a pris cette décision dans le plus grand secret, et a forcé les autres Alliés à accepter son texte (à l’exception de la Chine et de la Russie, qui ne l’ont pas signé).
L’article 14(b) du traité, signé à San Francisco le 8 septembre 1951, spécifie que : ‘Excepté mention contraire, les pouvoirs Alliés font grâce au japon de toute demande de réparation, et annulent toute plainte ayant été portée par les pouvoirs Alliés et leurs citoyens contre les décisions prises par le Japon durant la guerre, ainsi que toute demande de dédommagement relative aux coûts de l’occupation’.
Le 25 septembre 2001, trois anciens ambassadeurs Américains au Japon – Thomas Foley, ancien orateur de la Chambre des Représentants, Michael Armacost, président de l’institution Brookings, et Walter Mondale, vice-président de Carter – ont écrit une lettre commune au Washington Post condamnant le Congrès pour avoir ne serait-ce que pensé aider d’anciens travailleurs forcés Américains à contourner les termes du traité.
Aussitôt que la guerre prit fin, les Américains commencèrent à découvrir les trésors de guerre des Japonais. Le général MacArthur, en charge de l’occupation, aurait rapporté la découverte d’un très important butin d’or, d’argent, de pierres précieuses, de timbres postes étrangers, de plaques gravées ainsi que… de devises illégales au Japon. Ses représentants ont été chargés d’arrêter Yoshio Kodama, ayant vendu de l’opium en Chine durant la guerre, et supervisé les cargaisons de métaux industriels tels que le tungstène, le titane et le platine en partance pour le Japon.
Tout au long du XXe siècle, le Japon était de loin le plus important producteur d’opium d’Asie, tout particulièrement du fait de ses colonies de Corée puis de Manchourie, saisie en 1931. Kodama fournissait de l’héroïne et des liqueurs à la Chine occupée en échange de pièces d’or, de bijoux et d’objets d’art, que les Japonais fondaient ensuite pour en faire des lingots.
Après la défaite, Kodama rentra au Japon immensément riche. Avant d’être envoyé en prison, il offrit une partie de son butin aux hommes politiques conservateurs Ichiro Hatoyama et Ichiro Kono, qui utilisèrent ces recettes pour financer le jeune parti libéral, précurseur du parti ayant été à la tête du Japon quasiment sans interruption depuis 1949.
A sa sortie de prison en 1949, Kodama devint membre de la CIA et devint agent chef au Japon pour la société Lockheed Aircraft. Il fut chargé de faire chanter les hommes politiques pour qu’ils achètent des avions de chasse Lockheed F-104 et des avions F-104. Grâce aux richesses issues de son pillage, ses contacts avec le milieu contrebandier et sa position en tant que partisan du militarisme, Kodama devint le parrain de l’élaboration du parti unique pro-Américain au Japon.
Il n’était pas le seul à profiter des conséquences de la guerre. L’une des hypothèses les plus controversées des Seagrave est que le pillage de l’Asie aurait eu lieu sous la supervision de la maison Impériale, ce qui contredit l’idée américaine voulant que l’Empereur ait été un pacifiste et rien de plus qu’un figurant dans la guerre.
Selon lui, après l’invasion de la Chine par le Japon le 7 juillet 1937, l’Empereur Hirohito aurait nommé l’un de ses frères, le Prince Chichibu, à la tête d’une organisation secrète appelée kin no yuri (‘le Lis d’Or’), et dont l’objectif était de s’assurer que les activités de contrebande étaient menées en bonne et due forme et qu’aucune cargaison n’était détournée par des officiers militaires ou autres personnes extérieures telles que Kodama. Placer un Prince à la tête d’une telle organisation permettait de garantir à ce que tout le monde se plie aux ordres, et à ce que l’Empereur devienne immensément riche.
L’Empereur a également employé le Prince Tsuneyoshi Takeda, l’un de ses cousins, dans l’armée Kwantung en Manchourie, puis en tant qu’officier de liaison personnel dans les quartiers du général Hisaichi Terauchi à Saigon, afin qu’il supervise les pillages et s’assure à ce que le butin soit exporté vers des régions du Japon contrôlées par Terauchi. Bien qu’affecté à Saigon, Takeda travailla quasi-exclusivement aux Philippines en tant qu’adjoint du commandant Chichibu. Hirohito nomma le Prince Yasuhiko, son oncle, au poste de commandant adjoint de l’armée d’occupation de la Chine centrale.
C’est lui qui mena l’assaut final à Nanking, alors capitale de la Chine, entre les 2 et 6 décembre 1937, et donna l’ordre ‘d’exécuter tous les captifs’. Les Japonais pillèrent 6000 tonnes d’or du trésor de Chiang Kai-shek ainsi que des domiciles des dirigeants de la Chine Nationaliste. Les trois Princes étaient diplômés d’université, et tous trois survécurent à la guerre. Chichibu mourut en 1953 de tuberculose, mais les deux autres eurent le temps de devenir très vieux.
Entre l’hiver 1941 et le printemps 1942, avec la prise par le Japon de l’ensemble de l’Asie du Sud, dont les Philippines et l’Indonésie, la mission du Lis d’Or redoubla d’importance. En plus des actifs monétaires des Hollandais, des Anglais, des Français et des Américains dans leurs colonies respectives, le Lis d’Or s’est emparé d’autant de richesses Chinoises qu’il a pu en trouver, a pillé les temples Bouddhistes, dérobé les Bouddhas d’or de Birmanie, vendu de l’opium aux populations locales et volé des pierres précieuses à tous ceux qui en possédaient.
L’or ainsi récolté était ensuite fondu sous forme de lingots auprès d’un atelier de fonte dirigé par des Japonais à Ipoh, en Malaisie, qui étaient ensuite marqués en fonction de leur poids et pureté. Chichibu faisait l’inventaire du butin et le faisait transporter par bateaux maquillés en navires-hôpitaux vers le Japon. Il n’existait alors aucune route terrestre entre la Corée et le Japon, à l’exception d’une très courte période à la fin de l’année 1944.
Beaucoup d’or et de pierres précieuses furent perdus lors de conflits sous-marins avec les États-Unis. Dès le début 1943, il n’était plus possible pour le Japon de traverser le blocage des Alliés autrement que par voie sous-marine. Chichibu transféra donc ses quartiers depuis Singapour jusqu’à Manille, et demanda à ce que les cargaisons soient désormais envoyées vers les ports des Philippines. Lui et son personnel s’attendaient à ce que la guerre prenne fin sur simple signature de contrat, et s’imaginaient que les États-Unis rattacheraient les Philippines au Japon en récompense pour avoir mis fin à la guerre.
A partir de 1942, Chichibu supervisa la construction de 175 sites de stockage ‘impériaux’ destinés à dissimuler le butin du Japon jusqu’à ce que la guerre prenne fin. Les travailleurs forcés et prisonniers de guerre creusèrent des tunnels, et s’y retrouvèrent souvent enterrés vivants aux côtés de quelques officiers et soldats Japonais lorsque les sites étaient rebouchés afin de garder leur localisation secrète. Chacune de ces cachettes était piégée, et les cartes du Lis d’or furent soigneusement codées pour dissimuler toute information relative à leur localisation et leur profondeur.
à suivre