En enterrant l’UMP pour lancer Les Républicains, Nicolas Sarkozy a livré son grand dessein : établir une « République de la confiance ». La sagesse populaire dit pourtant qu’on ne parle pas de corde dans la maison d’un pendu ! Or, s’il en est aujourd’hui à peiner sur les tréteaux électoraux, c’est qu’il a perdu la confiance des Français, d’où son échec en 2012. Au soir de sa victoire en 2007, il promettait : « Je ne vous trahirai pas, je ne vous mentirai pas, je ne vous décevrai pas » et, dans la foulée, il promettait « le plein d’emploi » et l’augmentation du pouvoir d’achat. La lecture rétrospective de ces phrases-là est le plus sévère obstacle à la nouvelle ambition du président des Républicains.
Où sont les « Karchers » qui devaient nettoyer les cités ? Le service minimum dans les transports en commun ? Et cette promesse, en 2006, où la démagogie le disputait à l’utopie : « Si je suis élu, d’ici à deux ans il n’y aura plus un seul SDF dans les rues » ? Comment l’électeur pourrait-il avoir confiance en un homme dont la première tâche présidentielle a été de passer outre le non des Français au référendum constitutionnel pour le leur imposer sous la forme du Traité de Lisbonne ? Il voulait « renverser la table », il a seulement cassé la vaisselle. Il se lance dans la course présidentielle avec un boulet au pied : son bilan. Son avenir est derrière lui.
Car, contrairement à son engagement, il a déçu, il a trahi, il a menti. Comment s’étonner que 72 % des Français, selon le dernier sondage Odoxa, ne veuillent pas qu’il se représente ? Ils ont tourné la page, et il ne s’est pas rendu compte qu’il était dans la page.
Avec un tel taux de rejet, presque égal à celui de François Hollande (77 %), il pourrait avoir quelque doute sur son avenir politique. Mais non ! Ce n’est pas volontarisme, mais aveuglement narcissique. Il croit toujours que la cour des militants qui lui fait la claque est l’avant-garde du peuple de France qui lui crie « Reviens ! » Or, selon le même sondage, il ne convainc pas les sympathisants de l’ex-UMP : 49 % veulent qu’il se représente, 50 % y sont hostiles. Il y aura toujours des fanatiques qui verront en lui le sauveur, ce n’est pas étonnant puisque Napoléon a encore des partisans. Sarkozy en est encore aux Cent jours auxquels, rappelons-le-lui, Waterloo a succédé…
Le nouveau parti n’est pas uni, ni la « famille » rassemblée. On l’a bien vu quand Fillon et Juppé ont été hués devant un public clairsemé. Ce ne sont pas des incidents sans importance – au demeurant, Sarkozy n’a pas su les empêcher, à moins qu’il ne les ait fomentés –, ce sont les premiers craquements d’une unité factice qui iront s’aggravant à mesure que la date des primaires se rapprochera. Ce processus, qui devait pacifier la désignation du candidat, est gros de tensions et exacerbe les rivalités. À peine le congrès achevé, Alain Juppé annonçait que sa participation aux primaires était conditionnelle ! De fait, puisqu’il a l’opinion pour lui, dit-il, et Sarkozy le parti, pourquoi irait-il soumettre sa candidature à un collège trop restreint délimité par le président des Républicains, lui-même candidat ?
Il y eut soixante orateurs au congrès de Sarkozy, des ténors et des seconds couteaux s’y sont exprimés, il a bénéficié d’une large couverture médiatique et, pourtant, bien malin qui pourrait dire quel est son programme, ce qu’il propose pour remédier aux maux du pays et quelle ambition il a pour lui. Cela s’appelle parler pour ne rien dire.
Guy Rouvrais