À l’approche des élections, la Charte européenne des langues régionales revient sur le tapis.
Un des ressorts du régime des partis est la soumission des questions les plus sérieuses au calendrier électoral, aux instrumentalisations idéologiques, quand ce n’est pas, plus trivialement, à la sauvegarde des féodalités démocratiquement "légitimées" : ainsi du régionalisme. Dès 1988, le Conseil de l’Europe a mis sur le tapis la question des langues régionales. En 1992 a été adoptée la "Charte européenne des langues régionales ou minoritaires", signée par la France le 7 mai 1999. À ce jour, elle n’est pas ratifiée. Quelques psychodrames ont émaillé les discussions, mettant aux prises ceux qui y voyaient le début de la fin pour l’unité de la France, et d’autres qui y voyaient la perspective d’un épanouissement régional idyllique. Chacun des deux camps avait ses idéologues extrémistes : d’un côté, les super-jacobins, successeurs de l’abbé Grégoire, qui voulait éradiquer dès 1792 les langues régionales ; de l’autre, quelques "identitaires régionalistes" espérant déstabiliser la France...
La langue de la République
Le blocage de la ratification tient pour l’essentiel à ce fameux article 2 de la Constitution qui stipule que « la langue de la République est le français ». Certes, interrogeront les facétieux, est-elle pour autant la langue de la France ? À la veille de la Révolution, un quart des sujets du roi étaient des francophones de plein exercice, ce qui n’empêcha ni Malherbe, ni Racine, ni Voltaire… Ni l’édit de Villers-Cotterêts, car le français pouvait être la langue du royaume sans qu’il opprimât, dirait-on aujourd’hui, la société civile.
Le 28 janvier 2014, les députés ont autorisé la ratification. Jean-Jacques Urvoas, député PS, a proposé une loi constitutionnelle (nécessaire du fait de l’interprétation "jacobine" de l’article 2 de la Constitution) d’initiative parlementaire, dont l’adoption exigeait le vote des deux chambre suivi d’un référendum. François Hollande, par une lettre du 1er juin 2015, vient de couper court au débat en initiant un projet gouvernemental qui évite le référendum et n’exige "que" les trois cinquièmes des voix au Parlement réuni en congrès .
Et le contenu de cette charte ? Il ne fait que "pointer les diversités" culturelles et la valoriser. Au détriment de la nation ? On peut en discuter, mais, à coup sûr, elle ouvre une brèche dans la doxa jacobine.
Cette ratification figurait dans les promesses de campagne du président de la République, mais a-t-on jamais vu une promesse tenue simplement parce qu’elle avait avait été faite ? Les élections régionales sont à l’horizon, et quelques voix alsaciennes ou basse-bretonnes sont bonnes à glaner, même en décembre. De plus, c’est une pierre dans le jardin du Front national, qui, sur ce point précis, campe sur des positions archéo-républicaines. Avec un peu plus de nuances que Mélenchon, quand même. Certes, François Hollande joue un coup électoral, mais il serait curieux de voir des décentralisateurs affichés se couper des militants régionalistes en rejetant une ratification que, globalement, ils approuvent.
Michel Corcelles
http://www.actionfrancaise.net/craf/?Regionalisme-Une-charte-pour-quoi