Un plan d'aides d'urgence présenté en Conseil des ministres ce mercredi a pour objectif de faire retomber la pression et de lever les barrages.
Le gouvernement a dû chambouler son emploi du temps ce mardi, face à la contagion du mouvement de protestation des agriculteurs à l'ensemble de la France. Partie de Normandie ce dimanche, la colère des éleveurs s'est étendue à des sites symboliques comme la grotte de Lascaux II en Dordogne, la Cité corsaire à Saint-Malo en Ille-et-Vilaine et au Mont-Saint-Michel dans la Manche.
Le président de la République, sitôt la crise grecque traitée, a dû à nouveau monter au créneau pour tenter d'éteindre cet incendie alors qu'il participait au «sommet des consciences» au Conseil économique, social et environnemental à Paris, à quatre mois de la conférence sur le climat. «Je demande à tous les agriculteurs de comprendre que nous sommes tous mobilisés. Nous sommes conscients de leurs difficultés, elles sont très grandes et elles appellent des mesures structurelles. Elles seront prises. Et des mesures conjoncturelles, c'est-à-dire l'urgence, elles seront également décidées demain», a indiqué le chef de l'État.
Dans la foulée, Manuel Valls a convoqué à Matignon une «réunion de ministres sur les filières d'élevage» à laquelle participaient Emmanuel Macron (Économie), Christian Eckert (Budget), Matthias Fekl (Commerce extérieur) et Stéphane Le Foll (Agriculture). À l'issue de cette réunion un peu avant 13 heures, seul Stéphane Le Foll a pris la parole. «Cette discussion nécessitait un arbitrage du premier ministre puisque c'est une décision qui mobilise différents ministres. Je présenterai demain en Conseil des ministres un plan d'urgence de 16 à 17 propositions et pistes de travail qui ont été évoquées et analysées techniquement», souligne le ministre de l'Agriculture.
La répartition des tâches dans l'exécutif apparaissait établie: le président de la République fixe la ligne, le premier ministre coordonne, Bercy tente de trouver des marges de manœuvre et le ministre de l'Agriculture agit sur le terrain. C'est ainsi qu'après avoir annoncé qu'il ne se rendrait pas à Caen pour répondre à la convocation des agriculteurs, Stéphane Le Foll a été prestement dépêché sur place. Au point de se contredire en une matinée et de filer en urgence sur l'épicentre de la colère paysanne en Basse-Normandie .
Rapport du médiateur des prix
Arrivé en hélicoptère, dans un quartier entièrement bouclé par les CRS, le ministre de l'Agriculture est parvenu sans encombre vers 16 h 30 à la préfecture de Caen où l'attendaient les principaux responsables syndicaux agricoles de la FDSEA (Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles) et des JA (Jeunes Agriculteurs) du Calvados. Il en est reparti deux heures et demie après. «Il me semblait normal qu'une fois les décisions actées par le gouvernement, j'aille sur le terrain en parler avec les intéressés. Je connais les difficultés des éleveurs, je les mesure et les respecte. J'ai un BTS agricole. Ma vie aurait pu tourner autrement, se justifie Stéphane Le Foll à la sortie de la préfecture de Caen. J'ai pris du temps, je voulais venir avec un peu de fond et je m'en excuse auprès des professionnels agricoles.»
De leur côté, les leaders syndicaux locaux sont restés mitigés. «Il faut reconnaître que le déplacement du ministre et les échanges avec lui ont été particulièrement intéressants. Cependant, on n'est pas dupes, on attend les conclusions du rapport du médiateur et les annonces du plan d'urgence en Conseil des ministres», souligne Jean-Yves Heurtin, président de la FDSEA du Calvados.
Justement, ce fameux rapport, celui du médiateur des prix désigné par le ministre pour faire la lumière sur les circuits commerciaux et la fixation des prix agricoles, n'a permis que d'y voir un peu plus clair. «Le verre est à moitié plein. Pour une fois, la grande distribution est à l'heure et respecte l'accord du 17 juin de revalorisation des prix, conclut Jean-Pierre Fleury, président de la FNB (Fédération nationale bovine). En revanche, tous les abatteurs ne le sont pas.» Toutefois, Stéphane Le Foll a refusé de désigner des coupables. «On a des éléments assez détaillés sur la revalorisation des prix, mais je ne participerai pas à la désignation de quiconque entre ceux qui ont joué le jeu des hausses des prix et les autres», estime-t-il.
Le rapport, dont la remise a été avancée de 24 heures en raison des blocages, devrait être rendu public ce mercredi. Sur le terrain, la pression est maintenue. «Il n'y a pas de raison de lever les barrages qui pourraient même s'étendre à d'autres régions mercredi», constate Xavier Beulin, président de la FNSEA. Le Nord a ainsi vu le déclenchement d'une opération escargot sur l'autoroute A1. En Mayenne et ailleurs, de nouveaux blocages sont apparus.
Eric de La Chesnais et François-Xavier Bourmaud
source : Le Figaro :: lien