Le délai de réflexion avant un avortement est un des sujets du projet de loi santé, adopté en première lecture à l’Assemblée nationale. Gènéthique a sollicité des femmes qui ont accepté de partager leur expérience et ont donné leur témoignage en répondant à un questionnaire en ligne. Alors que la commission des affaires du Sénat vient de relancer le débat en supprimant cet article, Gènéthique restitue leur parole. Elles sont 64 à avoir répondu. La moyenne d’âge de ces femmes est de 26 ans. La plus âgée a 67 ans, la plus jeune 16 ans. L’une d’elle a du avorter à 14 ans. Si l’échantillon n’a pas de valeur représentative, cette consultation donne cependant sa place dans ce débat à la parole de femmes directement concernées par l’avortement et qui se disent en majorité favorables au maintien du délai de réflexion obligatoire.
Plusieurs expliquent qu’il est même trop court. L’une d’elle raconte :
« J'y ai été forcée par ma famille et je pense que si le délai avait été plus long j'aurais pu réussir à m'organiser pour garder cet enfant, ou du moins réussir à me battre contre ma famille ».
Une autre précise :
« C'est trop court et avec la pression des familles et du compagnon, il faudrait qu'on nous écoute plus car c'est nous qui en souffrons après »
Une troisième, qui n’a pas bénéficié du délai de réflexion, explique :
« Car à l'heure d'aujourd'hui je serai sûrement maman ».
Elles légitiment l’opportunité de ce délai en évoquant souvent leur souffrance après l’avortement :
« Je suis allée au bout du processus d'avortement... Je l'ai regretté aussitôt... Ça fait deux ans... Je ne m'en suis toujours pas remise, je pleure mon enfant que j'ai tué... Je donnerai tout pour revenir en arrière et le garder... » « J’ai avorté (…), mais j’ai encore du mal à dormir et pourtant cela fait 3 ans et demi ».
Une femme raconte :
« Je n’ai eu que 2 jours de réflexion. En septembre 2008, j'ai arrêté la pilule. Je n’arrive plus à tomber enceinte ».
A fortiori, l’une d’elle explique que ce délai lui a permis « d’éviter de faire la plus grosse erreur de ma vie », tandis qu’une autre ajoute :
« Sans cette réflexion à l'heure d'aujourd'hui je n'aurais pas mon bébé, c'est une longue semaine certes mais pour les femmes qui doutent, elle est importante ! ».
« Certains membres de ma famille me mettaient la pression. Grâce à ces 7 jours, j'ai trouvé la force de les affronter et de refuser d'avorter. »
« J'ai changé d'avis. Après le choc de la nouvelle, cette période m'a permis de revoir la situation et de comprendre qu'il est possible de garder cet enfant. »
Si certaines estiment que ce délai est inutile, plusieurs femmes, qui n’ont pas pu en bénéficier expriment leurs regrets :
« J'ai eu un rendez-vous pour une ordonnance de prise de sang pour le groupe sanguin et le lendemain, on m'a donné le traitement. Je regrette énormément. J'aurais aimé avoir du temps car c’est très dur. J'aurais pu réfléchir et dire non à ceux qui m'y ont amenée ».
« Avec le recul, je pense que si j’avais eu le délai légal, je ne l’aurais pas fait ».
La plupart des femmes qui ont répondu au questionnaire disent qu’elles ont avorté. Une décision souvent contrainte : si 12 femmes considèrent que l’avortement était « une évidence, cette grossesse n’était ni prévue, ni désirée », et pour 5 autres, juste « une alternative possible », 33 d’entre elles expliquent que l’avortement a été « une réponse douloureuse à une situation sans issue ». Et elles sont 19 à exprimer que cette solution n’était pas la leur, mais « la réponse qui m’était imposée ».
Elles racontent :
- « Sous pression j'ai avorté ».
- « C’est ma mère qui a décidé l’avortement »,
- « j'ai décidé, à bout de lutte contre le père de l’embryon et ma mère, d'accepter l'Ivg médicamenteuse ».
- « J'ai été contrainte de subir une IVG médicamenteuse. On m’a imposé de ne pas le garder ».
- « J'ai décidé d'avorter à cause de mes proches car ils me rabaissaient tous en me disant : ‘T’as que 14 ans, tu vas niquer ta vie, t'es encore a l'école et tout’. Mais pour moi dans ma tête, je m'en foutais, j'étais prête à le garder et à assumer ».
Au terme de cette enquête, il apparaît que les femmes sont loin de demander prioritairement des facilités d’accès à l’avortement, en supprimant par exemple le délai de réflexion entre les deux rendez-vous. Bon nombre d’entre elles regrettent d’avoir été au bout de la démarche, elles regrettent d’avoir avorté. Elles reposent la seule vraie question qui soit quand une grossesse non désirée s’annonce : comment aider, accompagner ces femmes pour qu’elles puissent accueillir l’enfant qu’elles portent ? 40 ans après le vote de la loi Veil, cette question essentielle, qui était et qui demeure une obligation légale introduite dans la loi, est restée lettre morte et n’a fait l’objet d’aucune proposition politique.