Quelques semaines avant le synode romain qui doit se prononcer sur l’accueil des homosexuels et des divorcés remariés, l’Église de Fréjus-Toulon, dont Mgr Rey est l’évêque, a décidé d’aller encore plus loin dans cette politique d’ouverture en accueillant Marion Maréchal-Le Pen qui, pourtant, n’est ni homosexuelle, ni divorcée remariée, pas même migrante, encore moins musulmane, mais catholique. Elle est aussi député Front national, et cette particularité l’avait jusqu’ici écartée des invitations de l’Église de France, comme les autres élus frontières.
Cette année, elle est conviée, ès qualités, avec d’autres députés, à une table ronde sur le thème « Médias et vérité », dans le cadre de l’Observatoire sociopolitique fondé en 2005 par Mgr Rey. Il semble que le principe de réalité ait prévalu et que les clercs ne puissent plus défendre les « exclus » à longueur d’homélies et pratiquer eux-mêmes l’exclusion, en rejetant des millions de Français, sachant que ce sont les ouvriers, les chômeurs et autres laissés pour compte de la classe politique qui se prononcent massivement pour le Front national. Or, le pape François ne cesse de rappeler « l’option prioritaire de l’Église pour les pauvres ».
Le concile Vatican II exhortait l’Église à s’ouvrir aux « hommes de son temps ». Mgr Rey s’est aperçu que près de 40 % des hommes et des femmes de son temps dans sa région, dont nombre de ses diocésains, votaient pour les frontistes, il s’est dit alors, à propos de Marion Maréchal : « Pourquoi pas une personne qui représente beaucoup d’électeurs ? » Il ajoute : « Le FN est un parti comme un autre sur l’échiquier politique. Il faut faire preuve de réalisme, ne pas se boucher les yeux ni les oreilles. » C’est là une évidence, et nous ne reprocherons pas à Mgr de Fréjus-Toulon cette prise de conscience tardive, car, selon l’Évangile, les ouvriers de la onzième heure sont traités de la même manière que ceux qui travaillent depuis l’aurore à montrer l’authentique visage du Front national. Le temps n’est plus où le cardinal Lustiger dénonçait dans un sermon « la haine du frère qui n’est pas né ici » en l’attribuant au FN.
Bien entendu, ce n’est pas gagné ! Cette audace consistant à traiter sans discrimination ni exclusion une femme, catholique, élue de la République, cette sœur qui est née ici, ne plaît pas à tout le monde dans l’Église. Certains frémissent de voir le Diable frontiste dans le bénitier. C’est le cas d’une dame, directrice du service national famille et société au sein de l’épiscopat, qui a confié au Monde : « Mettre Marion Maréchal-Le Pen en avant comme une catho parmi d’autres, ça me gêne. Il est dangereux de faire croire qu’être catho et au FN va de soi. » Être catholique, socialiste, communiste, écologiste, en revanche, cela va de soi, ce n’est pas dangereux, quoiqu’ils soient partisans du « mariage pour tous » et de l’avortement. En parodiant le pape François, ne pourrait-elle pas dire plutôt : « Si un membre du Front national cherche le Seigneur, qui suis-je, moi, pour le juger ? »
Guy Rouvrais