Et dire qu'avant l'été certaines personnalités de droite s'opposaient à ce que les premières conventions thématiques des Républicains soient consacrées à l'immigration, à l'islam ou à l'identité nationale! Trop clivant, trop brutal, trop droitier, trop fantasmé par rapport aux préoccupations quotidiennes des Français… L'irruption de la crise migratoire montre que ces questions n'étaient peut-être pas si marginales que ça. Et qu'elles sont intimement liées.
L'absence de réflexion commune préalable participe à ce sentiment d'une expression en ordre dispersé. Renforcé par la perspective des primaires, qui pousse davantage à l'expression individuelle qu'à la réflexion collective.
L'image d'une droite plurielle, sinon embarrassée, s'explique aussi par la manière dont la gauche a su s'approprier le terrain de la générosité. Au départ partagée entre deux cultures (l'accueil généralisé d'un côté, la fermeté face aux clandestins défendue par Manuel Valls et Bernard Cazeneuve de l'autre), la gauche - bien silencieuse dans les premières semaines de la crise -- a enfourché l'étendard de la morale à partir de la publication de la photo du jeune enfant mort. C'est à partir de ce moment, par exemple, que s'est imposé le terme de «réfugiés» plutôt que celui de «migrants». Et bien que le ralliement de François Hollande à l'idée de «quotas» d'étrangers accueillis soit tardif, le gouvernement s'est appuyé sur la ligne d'ouverture d'Angela Merkel. La droite allemande conservatrice qui ouvre les bras, le Pape qui exhorte à la générosité: quelles meilleures cautions pour la ligne «morale»?
Ce retournement sémantique et médiatique est un danger pour la droite car il tend à réduire le débat à une alternative entre deux options tranchées: celle de la gauche d'un côté, garante autoproclamée des «valeurs de la République», et celle du Front national de l'autre, persistant dans la mise en garde contre les risques d'une immigration massive, incontrôlée et à dominante musulmane.
Et c'est là que l'absence de ligne commune, ou du moins concertée, met les Républicains en situation de faiblesse. Car toute déclaration de maire affichant sa volonté ou sa capacité d'accueil sera utilisée par la gauche comme une validation de sa ligne de générosité. Tandis que toute précaution, toute mise en garde d'un autre maire sera brandie comme une preuve d'inhumanité. À trois mois des élections régionales, l'intérêt bien compris du PS et du FN est d'ailleurs d'imposer cette opposition primaire entre humanité et fermeté, accueil et fermeture. Dans une campagne, les positions les plus tranchées sont forcément les plus audibles, à défaut d'être les plus crédibles. La gauche, victime de son échec économique et coupable, pour certains, d'avoir cédé trop de terrain au réalisme, au compromis, trouve le moyen de revendiquer à nouveau une forme de fierté idéologique. Tandis que le parti lepéniste espère être le seul à tirer profit de l'inquiétude des Français qui ne croient pas à l'étanchéité entre le sort des seuls réfugiés authentiques et l'arrivée continue de clandestins.
Tout le défi pour les Républicains est donc d'échapper à la prise en étau entre le PS et le FN. Par son entretien au Figaro, Nicolas Sarkozy espère que le débat pourra désormais tourner autour de ses propositions - notamment sur la «refondation» de Schengen. C'est en tout cas en étant à l'initiative et non plus seulement en réaction que la droite réussira à se faire entendre.
Guillaume Tabard
source : Le Figaro :: lien