La FPÖ, alliée du FN au parlement européen, a doublé son score lors des élections régionales de Haute-Autriche dimanche, à plus de 30 % des voix. Ce parti avait mené une campagne agressive contre l'accueil des réfugiés.
L'Autriche va-t-elle devoir faire face à une forte poussée de l'extrême-droite. Les résultats des élections régionales dans le Land de Haute-Autriche ce dimanche 27 septembre envoie, en tout cas, un message préoccupant. Dans cet Etat très conservateur, dominé depuis la guerre par le parti de droite classique ÖVP qui y a toujours obtenu plus de 42 % des voix, le parti d'extrême-droite FPÖ du très xénophobe Hans-Christian Strache, proche du FN français et qui siège dans son groupe au parlement européen, a fait une percée remarquée.
L'extrême-droite au-dessus de 30 %
La FPÖ a ainsi obtenu, selon le sondage de la télévision publique ÖRF, 30,2 % des voix, soit près du double des 15,3 % obtenus au cours du scrutin de 2009. Il se retrouve ainsi en deuxième position, juste derrière l'ÖVP qui n'a mobilisé que 36,2 % des voix, son plus bas niveau de l'après-guerre dans ce Land et près de onze points de moins qu'en 2009. Les sociaux-démocrates de la SPÖ sont relégués à la troisième place avec 18,4 % des voix, soit 6 de moins qu'en 2009. C'est, là aussi, la première fois depuis 1945 que la SPÖ n'est pas un des deux premiers partis de ce Land.
Campagne agressive
Ce qui inquiète beaucoup d'observateurs, c'est que la FPÖ avait mené une campagne très agressive contre l'accueil des réfugiés qui ont rejoints depuis quelques semaines l'Autriche via la Hongrie et la Slovénie, parfois en cherchant à rejoindre l'Allemagne ou la Suède, parfois pour s'installer dans le pays. Les Autrichiens avaient fait preuve de beaucoup de solidarité, mais le gouvernement fédéral avait aussi montré des signes de dépassement. Surtout, la FPÖ a pu utiliser la crainte dans les régions rurales et les petites agglomérations d'un « afflux massif » de réfugiés. Selon un sondage sorti des urnes, 61 % des électeurs de Haute-Autriche ont pris leur décision en relation avec le sujet des réfugiés.
Un contexte déjà favorable à la FPÖ
Le paysage politique autrichien était déjà, il est vrai, favorable à la FPÖ avant cette crise des réfugiés. Les difficultés de la « grande coalition » à dynamiser une croissance en berne et à faire face au scandale bancaire de Hypo Alpe Adria jouaient en faveur du discours de rejet des deux grands partis porté par Hans-Christian Strache. Mais la crise des réfugiés semblent avoir conduit beaucoup d'électeurs conservateurs et sociaux-démocrates à rejoindre les rangs de l'extrême-droite. Au niveau national, le dernier sondage Unique Research publié le 19 septembre donne 10 points d'avance à la FPÖ devant la SPÖ avec 33 % des intentions de vote. L'ÖVP n'arrive que troisième avec 21 % des voix. En 2013, la FPÖ avait glané 20,5 % des voix.
Elections à Vienne le 11 octobre
Les prochaines élections régionales à Vienne, le 11 octobre seront un nouveau test de la situation politique autrichienne. La capitale est un bastion traditionnel de la SPÖ et des Verts. Mais, là encore, la FPÖ, qui avait déjà gagné 25 % des voix en 2010, devrait progresser. Le dernier sondage, publié samedi 26 septembre, lui attribue 34 % des intentions de vote contre 38 % à la SPÖ. Les Verts, stables à 12 %, passeraient devant l'ÖVP, en voie de disparition dans la capitale avec 8 % des voix (13 % en 2010). Bref, la FPÖ commence donc à s'implanter comme un parti majeur dans toute l'Autriche et pourrait bien devenir incontournable en 2017 pour la formation du prochain gouvernement.
Alliances avec la FPÖ ?
La question est désormais de savoir si la FPÖ peut rejoindre une coalition gouvernementale. Au printemps, la SPÖ du Land de Burgenland avait provoqué un scandale national en constituant une coalition régionale avec la FPÖ. En Haute-Autriche, l'éditorialiste du quotidien viennois Der Standard estime que l'alliance entre l'ÖVP et la FPÖ est possible. Les dirigeants conservateurs locaux ne l'avaient pas exclue, mais l'ampleur du vote d'extrême-droite change la donne. Reste que les Conservateurs, débordés sur leur droite, seront tentés de renouveler l'expérience du chancelier Wolfgang Schüssel qui, en 2000, s'était allié avec la FPÖ de Jörg Haider pour l'affaiblir par la pratique du pouvoir. Un pari qui avait provoqué la colère de l'Europe et qui n'avait que temporairement réussi, car il avait débouché sur la prise du pouvoir de « l'aile dure » de la FPÖ. Mais si la FPÖ gouverne avec les grands partis au niveau régional, il sera difficile de l'exclure du gouvernement fédéral en 2017, surtout s'il a une telle avance.
Panique dans les grands partis
En attendant, il faut se préparer à des mouvements de panique dans les grands partis autrichiens. Ni les Sociaux-démocrates, ni les Conservateurs ne semblent épargnés par l'exode des électeurs vers la FPÖ. Le danger serait d'avoir un durcissement du gouvernement de « grande coalition » pour donner des gages aux électeurs tentés par l'extrême-droite. La politique de Vienne vis-à-vis des réfugiés pourrait donc se durcir. Et l'ÖVP pourrait jouer dans la surenchère pour ne pas perdre pied avant des élections prévues dans deux ans. D'où un risque de déstabilisation de la coalition. L'Autriche pourrait bientôt donner (aussi) des maux de tête aux Européens.
Romaric Godin
source, La Tribune :: lien