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Le rôle croissant des diasporas dans la globalisation

Le thème de la fuite des cerveaux avait été lan­cé par la Grande-Bretagne dans les années 70 lorsque nom­bre de britanniques furent atti­rés aux États-Unis. Les nouvelles technologies ont relancé la que­stion en des termes compa­ra­bles alors que nombre de pays ont pris cons­cience du phénomène et pro­posent des moda­li­tés spécifiques pour conserver un lien avec leurs scientifiques et techniciens de haut ni­veau. Un livre récent (1) expose certaines ex­pé­rien­ces et nous facilite l’appréciation des con­­sé­quen­ces.

Le Japon : une expérience de pionnier

L’Ère Meiji, entre 1868 et 1912, se caractérisa par l’en­voi de nombreux étudiants japonais en “Oc­ci­dent”. Ils étaient organisés afin de re­trans­mettre à leur pays les connaissances scien­­tifiques et techni­ques auxquelles ils a­vaient accès. Aujourd’hui il en va de même mais, en sens inverse, le Japon freine l’accueil des scientifiques, chercheurs, enseignants des au­tres parties du monde. Il les considère com­me un risque pour la cohésion du peuple. Leur po­litique se résumerait ainsi : on importe les i­dées et les techniques mais non les hommes et les produits.

Les PVD : l’expatriation est une opportunité

L’Inde a donné l’exemple à tous les pays en dé­­velop­pement. Les élites installées à l’étran­ger transfèrent des devises dans leur pays d’o­ri­gine, constituent des groupes de pression dis­posés à défendre les intérêts de leur pays, for­ment une réserve de compétences dans la­quel­le puiser en cas de besoin. On débouche ain­si sur le modèle de la Diaspora.

Les pays anglo-saxons : puiser selon ses besoins

Depuis 1968, les USA pratiquent une sélection fé­ro­ce des accueils. Aujourd’hui, 80% des cher­­cheurs qui y travaillent sont d’origine é­tran­gère. Parallèle­ment, cette politique a dé­cou­ragé les autochtones d’en­treprendre des car­rières scientifiques. Depuis dix ans, quel­ques journalistes américains se demandent de temps à autre ce qu’il adviendrait des USA si les savants asiatiques retournaient massi­ve­ment dans leurs pays respectifs puisqu’on ob­ser­ve un reflux ré­gu­lier.

Circulation des compétences

En s’appuyant sur l’exemple des pays asiati­ques com­me la Corée du Sud, on peut affirmer que le re­tour vers le pays d’origine est lié au de­gré de dé­veloppement de celui-ci. Dans un pays qui se dé­veloppe régulièrement, les é­carts absolus de niveau de vie entre l’Occident et ce pays se réduisent et des opportunités pro­­fessionnelles apparaissent. Le retour en est fa­cilité. L’exemple chinois est comparable. A­lors qu’une certaine propagande affirme que les sa­vants quittent le pays pour des raisons de libertés politiques, les enquêtes menées au­près des savants chinois en fonction aux USA mon­trent qu’ils revien­draient en Chine si l’ou­ver­ture scientifique du pays, sa croissance éco­no­mique et sa stabilité politique étaient as­surées.

Les conditions technologiques de ce siècle fa­vo­risent la communication et la collaboration scien­tifiques en­tre personnes situées à de gran­­des distances. Les liens sont possibles en­tre savants et chercheurs ex­patriés ou non. Le modèle des diasporas prend for­me désormais.

Le processus d’enregistrement, de mobilisa­tion, d’or­ganisation et de connexion des sa­vants expatriés avec leurs pays d’origine a pris une tournure systé­matique. Il faut cependant que les pays aient atteint un certain niveau de développement socio-écono­mique pour que les chercheurs et savants accom­plis­sent des aller-retour entre pays d’origine et pays de des­ti­na­tion.

L’avenir radieux des diasporas

◊ 1 – Les établissements d’enseignement des pays anglo-saxons, Royaume-Uni, Australie, É­tats-Unis, Ca­nada, font payer la scolarité aux étu­diants étran­gers. L’offre d’enseignement se di­versifie et s’amé­liore en fonction des deman­des exigeantes des con­sommateurs d’études. Ce choix entretient la dy­na­mi­que des établis­se­ments et des flux d’étudiants. Il est pré­vi­si­ble que les pays qui, comme la France, ac­cueil­lent gratuitement les étudiants étrangers, ainsi subventionnés par les autochtones, s’é­pui­seront éco­nomiquement dans cette politi­que. À moins qu’une volonté subversive ne soit à l’œuvre, elle sera mo­difiée.

◊ 2 – L’émergence et le développement des ré­seaux diasporiques concerne aujourd’hui de mul­tiples pays. Deux grandes “civilisations” se sont attachées à gé­rer leurs diasporas : la Chi­ne et l’Inde. Ce phéno­mène évolue en relation avec la mondialisation des échanges et les mo­yens modernes de commu­nication. Ces diaspo­ras peu à peu se superposent aux réseaux d’in­térêts traditionnels et aux relations étati­ques. Ces réseaux diasporés vont acquérir un pou­­voir de plus en plus grand.

Il est prévisible qu’une superposition des dias­po­ras aux activités économiques orientera l’é­conomie vers une globalisation systéma­tique, gage de leur réus­si­te et de leur domination. Le pouvoir politique des É­tats et le pouvoir écono­mique influencé par des dia­sporas se décon­nec­teront de plus en plus. Le pouvoir écono­mi­que privé prendra en charge de plus en plus sou­vent la science et la technique. Les empires pri­vés vont dominer les prochaines décennies.

► Jean Dessalle, Nouvelles de Synergies Européennes n°55-56, 2002.

• Note :

1. Anne Marie & Jacques Gaillard : Les enjeux des migrations scienti­fi­ques inter­na­­tionales : De la quête du sa­voir à la cir­cula­tion des compétences, L’Har­mattan, 233 p., 1999.

http://www.archiveseroe.eu/recent/39

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