Voilà 500 ans que François Ier a accédé au trône, et avec lui la dernière lignée des Valois. Mais son fils Henri II et ses trois petits-fils François II, Charles IX et Henri III n’auront pas sa légende dorée : la mémoire collective en a fait les pires rois de l’histoire. Didier Le Fur, l’un des meilleurs spécialistes de la période, a publié en avril une imposante biographie, François Ier (Perrin, 1024 p., 29,50 euros), fruit de six années de recherche. L’historien revient pour PHILITT sur le destin de ces cinq rois et montre comment, au gré des époques et des récupérations politiques, leur image a évolué et jeté un voile sur la réalité de leur règne à une période cruciale dans la construction de la France.
Didier Le Fur : Sa perception a évolué selon les périodes. Ses descendants Valois le considéraient comme un grand roi car c’était le chef de famille, à l’image d’Henri IV pour la dynastie de Bourbon. Mais avec l’avènement de ce dernier, en 1589, les Bourbons ont voulu noircir ce passé pour donner du prestige à leur lignée. François Ier est alors vu, jusqu’à la Restauration et en passant par Voltaire et Michelet, comme un roi faible car manipulé par les femmes – bien que ce soit faux – : sa mère Louise de Savoie, Diane de Poitiers, la duchesse d’Étampes… Son intolérance religieuse et ses augmentations d’impôts sont aussi soulignées.
Cette image disparaît à partir de la Restauration car le régime va chercher à réinventer une monarchie idéale d’avant l’absolutisme. François Ier a alors incarné la figure d’une France brillante, guerrière et chevaleresque. Bien que cette image se soit ternie à partir de la monarchie de Juillet, la dimension civilisatrice se maintient avec l’appui d’hommes de lettres comme Sainte-Beuve. Il a alors été servi par l’invention de la notion de Renaissance : on en a fait le premier roi de cette période, donc son flambeau. À partir de la conquête d’Algérie, en 1830, François Ier est utilisé pour promouvoir la conquête coloniale, tout comme saint Louis et Charles Martel.