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Du carton plein d’Orlando à la loi Travail : Michel Foucault présent ! par Thierry DUROLLE

À la fin des années soixante et au début des années soixante-dix, la désormais célèbre « Nouvelle Droite » se postait en première ligne du combat des idées. Ses animateurs avaient compris toute l’importance d’un tel combat mais surtout le fruit de ses victoires. En effet, le camp d’en face qui avait, comme souvent à l’époque, un coup d’avance, comptait une pléthore de penseurs et théoriciens ayant pignon sur rue.« Putain » de Saint Foucault. Archéologie d’un fétiche de François Bousquet, rédacteur en chef-adjoint de la revue Éléments, dans une démarche quasi-« zemourienne » de « déconstruire les déconstructeurs » s’attaque à l’un des penseurs les plus représentatifs de la gauche libérale-libertaire en la personne de Michel Foucault.

L’influence de Michel Foucault est considérable bien qu’elle s’exerce principalement dans le domaine du sociétal : comment ne pas penser au lobby LGBT, à la théorie du genre ou à la défense des minorités lorsque l’on parle du chef de file de la « French Theory » ? On ne sait plus si Foucault et son œuvre sont le reflet de la société actuelle ou si c’est la société actuelle qui est le reflet de l’homme et son œuvre. Ce dernier est sujet à une véritable fascination de la part de certains : un « putain » de saint pour les uns, un « putain » de damné pour les autres, à commencer par l’intéressé lui-même… Instable, changeant, toujours sur la brèche, l’homme fut comme au centre d’un vortex à l’allure de chaos primordial : « Le sens flotte sans accrocher au réel, victime de sa propre entropie. Cela s’appelle le chaos. Le jeune Foucault y succomba. » Dans son esprit tout est chamboulé, tout est renversé, inversé; la seule norme c’est l’anomie, serait-on tenté de croire. « Au moment où l’ethnologie allait chercher aux antipodes de l’Autre de la rationalité occidentale, lui le découvrait dans les asiles et les maisons d’arrêt. L’Autre, le Tout Autre, l’altérité radicale – le rebut de la société, dans lequel il célébrait le retour du refoulé dionysiaque. » Cet univers où se mêle surveillance et punition, est « de l’ordre de la névrose obsessionnelle » chez Foucault. Son leitmotiv ? « Jouir sans entraves mais le corps entravé » comme le formule si bien François Bousquet.

L’auteur de Surveiller et Punir effectua par la suite un virage néo-libéral, « sujet si sensible qu’elle donnera naissance, après sa mort, à un courant négationniste parmi ses disciples ». Ce tournant néo-libéral coïncide chez Foucault avec sa période « américaine » où il écumera les bars queer de San Francisco. Émerveillé par le pays de l’Oncle Sam, « un Nouveau Monde qui ne brûle plus ses sorcières, mais les transforme en stars hollywoodiennes ». Son évolution est en réalité somme toute logique : la détestation des limites est l’axiome indépassable du libéralisme, qu’il soit économique ou sociétale. Les limites, « il les détruit toutes, au rouleau compresseur de la dérégulation, inexorablement. Peu importe qu’elle affranchisse les plus riches de leurs obligations ». Ainsi  éprouve-t-il « une phobie pour le Léviathan étatique ». En fin de compte le libéralisme pour Foucault « se présente comme le plus prometteur des chantiers : terra incognitaexpérimentale et bouillon de culture hostile à tout encadrement, toute restriction, tout principe de précaution »; il lui offre sur un plateau d’argent « une promesse d’atomisation sociale, d’insécurité culturelle, de désordre. Entropie et chaos – il ne pouvait rêver mieux. Foucault retrouve dans ce système et ces vertus de “ destruction créatrice ” schumpétérienne l’équivalent économique du travail de destruction-déconstruction qu’il mène dans le champ philosophique. Un mélange détonnant débridée, de déconstructionnisme échevelé et de constructivisme forcené ».

Comprendre l’œuvre de Foucault constituera une aide précieuse lorsqu’il faudra opérer à l’autopsie du monde dans lequel nous vivons. Nous pouvons cependant observer les dégâts qu’elle a déjà provoqués, mais aussi les levées de boucliers salutaires. Ce pamphlet est un pavé de plus balancé à la gueule des rejetons de Foucault, mais un pavé en marbre de luxe, taillé avec précision, aérodynamique et qui ne manque pas sa cible. François Bousquet, nous le savions déjà, est quelqu’un de grand talent; son style est un véritable régale. Il n’est ni  prétentieux, ni timide mais toujours limpide, concis, et subtil. Une prose d’escrimeur. On se régale certes, mais on apprend aussi beaucoup de choses sur cet homme complexe que fut Michel Foucault. « Putain » de Saint Foucault. Archéologie d’un fétiche est aussi efficace qu’un AR-15, plus facile à dissimuler en boîte de nuit et tout aussi puissant, voire plus !

Thierry Durolle

• François Bousquet, « Putain » de Saint Foucault. Archéologie d’un fétiche, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2016, 105 p., 15 €.

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