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La loi Debré : une dépendance obsolète ?

La loi Debré de 1959 est aujourd’hui le symbole de l’intégration pacifiée et routinière de l’enseignement privé dans le système public. Elle introduit une étroite dépendance que les directeurs supportent de moins en moins bien depuis la réforme des collèges.

En 1959, la loi Debré est adoptée au terme d'une vive polémique. Dix millions de Français ont même pétitionné contre cette loi. Mais pour le nouveau pouvoir gaulliste - on est encore dans une phase de mise en place de la Ve République -, il s'agit de prendre en compte l'explosion démographique et de mettre fin à une question scolaire, qui avait empoisonné la IVe République. En outre, une majorité de Français apparaissait alors comme étant de plus en plus favorables au financement de l'enseignement catholique. La loi Debré apparaît donc à un tournant qui n'a pu être que favorable à la prise en compte de l'école catholique. Quant au Général de Gaulle, ancien élève des jésuites et catholique pratiquant, il veut mettre fin à une querelle qui a divisé la France pendant 150 ans. Au regard de tous ces éléments, un substantiel rapprochement de l'enseignement privé au système de l'Éducation nationale va avoir lieu.

Un dispositif de rapprochement

La loi Debré constitue un pas supplémentaire dans le rapprochement de l'enseignement privé vis-à-vis du système public. Mais à la différence de la loi Falloux qui prévoyait une aide des collectivités locales, le soutien est conditionné à un certain rapprochement à l'égard de l'enseignement public. On est cette fois-ci dans une perspective d'intégration. Ainsi, le dispositif- aujourd'hui intégré dans le Code de l'éducation - prévoit un système de contrats entre l'État et les établissements qui le souhaitent. L'expression « sous contrat » est une conséquence sémantique de ce dispositif. En échange d'une aide de l'État, les programmes doivent être identiques à ceux de l'enseignement public. Les enfants, quels qu'ils soient, doivent être acceptés. Quant au personnel enseignant, il est rémunéré par l'État selon les mêmes grilles indiciaires. Cependant, ce ne sont pas des fonctionnaires de l'Éducation nationale. Les maîtres, comme on le disait encore à l'époque, relèvent du droit privé. Ainsi, pour la retraite, les enseignants dépendent du régime général et de caisses de retraites complémentaires. En raison de cotisations plus fortes, la rémunération est donc plus faible. Les retraites sont également moins élevées. C'est déjà le début d'une certaine normalisation, qui ne peut que se traduire par une pédagogie moins originale, alignée sur celle que l'on retrouve dans les autres établissements publics. La logique du moule uniformisateur et indifférenciateur semble prévaloir. Écoles privées et écoles publiques, cela devient l'Enseignement, avec un grand "e"...

On peut se demander qu'est-ce qui peut distinguer une école privée d'une école publique. Certes, les programmes sont les mêmes. On doit cependant noter un meilleur souci d'efficacité. Le privé est moins rattrapé par les crises de la société (violence, absentéisme...). Le suivi des élèves est meilleur et pour les parents - de gauche comme de droite - l'enseignement privé, même sous contrat, reste une garantie qui ne s'est toujours pas démentie. On ne peut que s'en réjouir. C'est normal, dira-t-on, car dans le privé, on fait plus attention aux sous et les parents attendent - forcément - un retour sur investissement... Les enseignant du privé vont même considérer leurs collègues du public, comme des... privilégiés !

La crise est dans l'Église

En réalité, si la loi Debré a conduit à une certaine normalisation, il serait injuste de lui imputer exclusivement cette situation. Un autre aspect a joué : la crise de l'Église, qui apparaît dans les années 1960, dont la concomitance avec la loi Debré, explique la configuration actuelle de l'enseignement catholique. L'enseignement catholique connaît une véritable crise d'identité, à tel point que l'on s'interroge sur ce qui différencie une école publique d'une école privée. Pourtant, en 1959, lors de la négociation de la loi Debré, la commission épiscopale de l'enseignement avait été ferme sur le caractère spécifique des écoles catholiques en refusant la laïcisation de l'enseignement et de l'éducation. À l'époque, pas question de lâcher sur la foi ! La volonté de « s'ouvrir » au monde, mais aussi l'affaiblissement des congrégations enseignantes ont abouti à une véritable sécularisation de l'enseignement catholique. Le personnel recruté l'est pour des raisons strictement éducatives, indépendamment d'autres considérations. Les dérives sont même fortes dans certaines écoles privées. Ainsi, en Seine-Saint-Denis , on a vu tel prof de CM2 donner un cours d'informatique en arabe aux élèves... On imagine le scandale si cela avait eu lieu dans le public ! La transmission de la foi est parfois à peine concevable de la part des écoles catholiques... La dimension religieuse et spirituelle est souvent absente, parfois volontairement passée sous silence. Les évêques, souvent interpellés, demeurent silencieux sur certaines dérives. Pourtant, l'école catholique reste un instrument disponible dans l’évangélisation et la conservation de la foi. Il suffit de vouloir s’en servir.

François Hoffman monde&vie 1er juillet 2016

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