Cela s’est passé vendredi soir dans la banlieue de Grenoble. A la suite d’une querelle entre voisins, les policiers sont appelés pour maîtriser un individu aviné. A l’arrivée des forces de l’ordre, le forcené a brandi une machette, puis a « sorti une arme de derrière son dos », a expliqué le procureur de la République. C’est alors que, menacés, les policiers ont fait feu tuant cet homme de 52 ans. Une autopsie a été ordonnée « pour déterminer la trajectoire » afin de savoir quelles balles ont été mortelles et donc par quels tireurs il a été touché. Car c’est la police qui est en accusation. En effet, les policiers ont été aussitôt mis en examen, gardés à vue pendant dix-sept heures avant d’être libérés, l’enquête, confiée à l’IGPN continue.
Il s’avère que l’arme braquée sur les membres des forces de l’ordre était un pistolet d’alarme, or la riposte l’a été avec de vraies balles, en conséquence elle était « disproportionnée », d’où la mise en examen pour « homicide volontaire ». Ils auraient dû voir qu’il s’agissait d’un pistolet d’alarme, et, pour cela, s’arrêter quelques instants afin de l’examiner, l’arme, et se rendre compte ainsi qu’elle n’était pas létale. Imaginons qu’ils l’aient fait et que ce fût un vrai revolver, que l’homme ait tiré : combien de policiers morts ou blessés ? Dans ce cas, on aurait vu le ministre de l’Intérieur les décorer à titre posthume, étreindre la veuve, consoler les enfants en leur disant qu’ils peuvent être fiers de leur père. Mais voilà, ils se sont défendus ! Alors c’est le grand jeu et le ballet des inspecteurs et des magistrats, la garde en vue, l’enquête, des heures d’interrogatoire ! Quand on brandit une machette, ce qui trahit une intention belliqueuse, puis un pistolet, les policiers ne doivent pas se sentir menacés ? « Lorsque, collectivement, cinq policiers, qui sont face à un individu dangereux, tirent en même temps, c’est qu’ils n’ont aucun doute sur le fait qu’il va faire usage de son arme et qu’il va tirer sur l’un d’entre eux », a déclaré le secrétaire général du syndicat de police FO. « C’est de l’ordre d’une fraction de seconde. Les policiers sont dans un état de stress et de vigilance absolue dans ces situations. La légitime défense était proportionnée et simultanée, en riposte », a ajouté le syndicaliste. Cela semble évident, sauf pour la justice.
La police est frappée d’une suspicion permanente. On nous dit que mise en examen ne vaut pas culpabilité. Cela, c’est la théorie ! Car le juge d’instruction ne peut prendre cette mesure contre des personnes que s’« il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi ». Aux yeux de la justice, il est donc « vraisemblable » que ces policiers aient commis un « homicide volontaire ». On voit donc la nécessité, revendiquée par les policiers qui continuent de manifester, de bénéficier d’une présomption de légitime défense, comme les gendarmes, sans que cela se traduise par une hécatombe en zone gendarmerie. Mais le gouvernement s’y refuse obstinément, lui préférant toujours la présomption de culpabilité.
Guy Rouvrais
Article et dessin parus dans Présent daté du 2 novembre 2016