La pré-campagne électorale continue d’étaler son spectacle dégradant, mêlant ambitions personnelles et intérêts partisans, voire infrapartisans : à droite, après la désignation du chef, ce sont les places subalternes, dans le parti ou dans le futur gouvernement, qui sont âprement disputées.
Au centre, Bayrou, qui se voyait déjà en premier ministre de Juppé, se demande de quelle façon il pourra exister au printemps prochain, tandis que Macron est lancé comme une marque de lessive par des médias qui aimeraient en faire le troisième homme du premier tour — comme Bayrou en 2007. Qu’il n’oublie pas alors que la roche tarpéienne n’est jamais loin du Capitole électoralo-médiatique : Bayrou s’en souvient encore. Quant à la gauche, c’est la bousculade depuis l’annonce par Hollande de sa non-candidature, Valls ayant laissé à Cazeneuve l’administration des affaires courantes jusqu’au mois de mai prochain pour gagner la primaire. On pensait que ce dernier avait atteint son niveau d’incompétence en devenant le premier flic de France : on se trompait lourdement. Avec Hollande à l’Elysée, Ayrault aux affaires étrangères et Le Roux à l’intérieur, nous voilà dotés de fortes personnalités pour relever les défis que le pays aura à affronter d’ici au printemps 2017 : car le monde ne va pas s’arrêter de tourner dans l’attente du résultat de nos différentes échéances électorales.
GUERRE INSTESTINE AU FN
Pendant ce temps, le Front national, qui veut apaiser la France, se déclare ouvertement la guerre à lui-même, Marine Le Pen n’arrivant plus à imposer de la retenue à son principal lieutenant, qui dissimule de plus en plus mal son impatience à s’emparer de tout l’appareil, quoi qu’il dût en coûter en termes de cohésion et, finalement, de résultats aux prochaines élections. Qu’importe ! A moins de bouleversements tels, que la paix civile en serait menacée — mais alors la tenue de l’élection serait elle-même compromise —, il ne se fait aucune illusion sur la possibilité pour Marine Le Pen d’être élue en 2017, hypothèse chaque jour plus folklorique quand c’est sa présence au second tour qui devient incertaine. D’où une stratégie de plus en plus agressive d’isolement de Marine Le Pen : purges successives, au risque d’affaiblir considérablement le parti, provocation flagrante à l’encontre de Marion Maréchal-Le Pen contraignant habilement, sous couvert d’appel au calme, Marine Le Pen à descendre de son piédestal incontesté pour devenir, contre sa nièce, la porte-parole du clan Philippot, et à révéler au passage son cynisme peu glorieux sur la question de l’avortement en 2012, consistant, au lendemain de son élection à la tête du parti, à amadouer les soutiens de Bruno Gollnisch. Coup double, la cheffe s’étant égratignée elle-même en tant que femme de conviction.
D’autant que la remise en cause du mariage pour tous et la filiation feront probablement les frais du même cynisme : Philippot n’a-t-il pas déjà préparé les esprits en parlant, à ce sujet, de « culture du bonsaï », Marine Le Pen qualifiant aujourd’hui, sur le même mode, de « lunaire » la question du périmètre et du remboursement de l’IVG ? Lorsque Philippot jugera que l’électorat de la Manif pour tous a fini de se dissoudre dans un soutien peu glorieux à François Fillon, alors la doctrine officielle du FN passera à la trappe cette question sociétale, qui, c’est bien connu, n’est pas la priorité des Français.
IDENTITÉ ET SOUVERAINETÉ
Vous avez dit priorité ? Les commentateurs opposent à l’envi, au sein du camp national au sens large du terme, les tenants d’une ligne souverainiste à ceux d’une ligne identitaire. Or pour un pays comme la France — il en est différemment des empires —, le rapport de la souveraineté à l’identité est analogue au rapport de la nationalité à la citoyenneté : c’est celui du convexe au concave, souveraineté et identité n’étant que les deux aspects, extérieur et intérieur, d’une même réalité : l’Etat-nation. Isoler ces deux concepts comme réellement indépendants, c’est tomber dans le piège des mondialistes, qui ont été les premiers à introduire dans le débat cette fausse opposition en 1992, à l’occasion du référendum sur le traité de Maastrichit.
Il vont plus loin, aujourd’hui : à travers les migrants définis comme résidents — concept neutre destiné à balayer l’opposition entre étrangers et nationaux —, ils veulent finir par imposer une citoyenneté déconnectée de la nationalité, sous couvert de l’universalité d’un droit hors-sol, tandis qu’une contre-identité (multiculturelle) finirait par imposer une gouvernance, plus encore qu’une souveraineté, européenne. Ce n’est pas pour rien que l’Europe s’attaque à la fois aux frontières nationales (Schengen) et à l’identité des peuples européens en exigeant une intégration réciproque des nationaux et des immigrants (doctrine officielle de l’Union européenne depuis 2004). Ce n’est donc pas parce qu’ils sont eux-mêmes convaincus de la pertinence de cette opposition artificielle, que les tenants d’une ligne souverainiste et ceux d’un ligne identitaire ont raison de l’entretenir, à moins de se situer dans une ligne identitaire postnationale — ce qui n’est pas le cas de Marion Maréchal-Le Pen —, ou dans une ligne nationale post-identitaire, où la laïcité tient lieu d’identité de substitution, ce qui est peut-être le cas, en revanche, de Florian Philippot.
REGARDER VERS LA RUSSIE
Toutefois, ne désespérons pas ! L’exemple de la Russie, que la fin du communisme et l’échec de la CEI ont contrainte à se repenser aussi, sinon uniquement, comme une nation — à laquelle, d’ailleurs, s’adressait uniquement De Gaulle —, est là pour le prouver. Tout en prenant en compte, même au plan culturel, le fait musulman, c’est autour de son identité millénaire chrétienne que se construit la nouvelle Russie, laquelle cherche à assumer, parfois non sans conflits ni paradoxes, toute son histoire. Ce que ne lui pardonne pas l’oligarchie mondiale. Car ce n’est pas tant le Poutine restaurateur de la puissance russe qu’elle diabolise que le Poutine refondateur de la nation russe dans son identité et sa souveraineté, avec lesquelles l’« Occident », c’est-à-dire les Etats-Unis et ses satellites européens, avaient cru en finir dans les années 1990. D’où les provocations incessantes à l’égard d’une Russie qui cherche simplement à jouer pleinement son rôle de puissance eurasiatique, « facteur d’équilibre dans les affaires internationales et du développement de la civilisation mondiale », comme le rappelle la doctrine extérieure russe, que Poutine vient de redéfinir via un document d’une trentaine de pages, publié le 1er décembre dernier. D’où, aussi, la désinformation systématique — un vrai pilonnage médiatique — dont son action, notamment en Syrie, fait l’objet, et qui redouble d’intensité alors qu’Alep-est, aux mains depuis quatre ans des islamistes, est sur le point d’être libérée. Cette nouvelle doctrine prend acte, dans l’affaire ukrainienne, de la volonté d’ « expansion géopolitique » de l’Union européenne, qui vise également, aux côtés des Etats-Unis, ou à leur service, à « saper la stabilité régionale et globale ». Elle constate aussi que « le rôle du facteur de la force dans les relations internationales augmente ». Nul ne saurait s’en réjouir, mais les torts ne seraient-ils pas partagés ? On dit que l’arrivée de Trump à la Maison-Blanche pourrait rebattre les cartes. La diplomatie française n’a aucune raison d’attendre pour recouvrer son indépendance. Plutôt que de s’aligner sur Berlin et de faire semblant de redouter pendant les élections de 2017 une cyberguerre russe visant à déstabiliser le pays, Paris devrait renouer un vrai dialogue avec un partenaire historique millénaire.
François Marcilhac - L’ACTION FRANÇAISE 2945
http://www.actionfrancaise.net/craf/?Editorial-de-L-Action-Francaise,11275