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Droite hors les murs : derrière la porte étroite, un boulevard !

Un spectre politique est fait d'interactions , un parti n'existe pas seul, indépendamment des autres. Aussi, la désignation de François Fillon par la primaire de la droite et le renoncement de François Hollande influencent-ils l'identification et le positionnement des autres formations politiques.

Pour l'heure, les candidats de la droite modérée et du Front national sont donnés au second tour de la prochaine présidentielle. La principale force de François Fillon vient de la déconfiture de la gauche et de l'aspiration de l'opinion publique à l'alternance. Son programme est intrinsèquement libéral bien qu'il l'ait mâtiné de marqueurs conservateurs (préconisation de l’uniforme à l'école). Ce sont ces derniers, mis en avant dans la toute fin de la campagne, qui lui ont permis de distancer ses adversaires. Il pourrait donc voir sa popularité décroître si, confronté à la concurrence d'Emmanuel Macron (qui incarne le retour à l'unité doctrinale du libéralisme dans ses versions, sociétale de gauche, et économique de droite), il accentuait son positionnement libéral.

Quant à Marine Le Pen, elle pense sa place au second tour assurée par la division de la gauche (entre socialisme, social-démocratie et social-libéralisme). Elle se désintéresse donc voire agresse dans leurs convictions (comme sur l’avortement) les électeurs de cette droite catholique qu'elle juge, sans doute hâtivement, peu nombreux au regard du score réalisé par Jean-Frédéric Poisson au premier tour de la primaire de la droite. Elle cherche à atteindre une telle « normalisation » qu'elle gomme de son programme toute une série de marqueurs identitaires (son indifférentisme religieux la conduit à une sorte de laïcisme). Elle en devient sociétalement libérale, tout en préconisant une forme d'étatisme (sans pour autant aller jusqu'au collectivisme) en matière économique. Elle pense que cela lui permettra de réunir sur son nom les différentes catégories d'électeurs s'étant opposé, lors du référendum de 2005, au traité établissant une constitution pour l'Europe.

L'un comme l'autre risquent donc de voir une partie de leur électoral être déçue et être susceptible de les quitter. Dans les deux cas, il s'agit de l'électorat authentiquement de droite qui ne confond pas (contrairement à François Fillon) le rejet du fiscalisme avec le libéralisme ni (à l'inverse de Marine Le Pen) l’antilibéralisme avec l'étatisme. C'est cet électorat qui, tout à la fois, regrette que François Fillon ne soit pas souverainiste et n'apprécie pas que Marine Le Pen abandonne l'organicisme social. En fonction de priorités rationnelles ou de réactions émotionnelles, il s'est déjà porté sur la droite modérée ou sur le Front national. Mais toujours faute de mieux.

Nous sommes la droite hors-les-murs

Dans ces conditions, contrairement à ce qui a pu être affirmé, ce qu'il est convenu d'appeler, à défaut d'une meilleure expression, la « droite hors les murs » (DHLM) a, devant elle, un boulevard. Certes, son espace politique semble a priori écrasé tant François Fillon et Marine Le Pen cherchent à étendre, au risque de l'incohérence, leurs spectres politiques. Mais, l'un comme l'autre n'ont pas du tout compris cet électorat qui fait le pont entre la droite modérée et le FN et dont une partie balance, au gré des élections, entre les deux. Sans qu'il en soit parfaitement conscient (d'où son errance électorale), il adhère à la philosophie classique.

Celle-ci promeut la sociabilité : (où les corps sociaux sont régis par des principes inscrits dans l'ordre cosmologique des choses) à l'inverse de l'idéologie moderne qui fait l'apologie de la sociabilité artificielle (où les règles de fonctionnement des corps sociaux sont produites par la rencontre de volontés). Sur tous les sujets, qu'il s'agisse de la nation (identitaires contre multiculturalistes), de l'Europe (souverainistes contre fédéralistes), des mœurs et de la bioéthique (conservateurs contre progressistes) ou enclore des relations internationales (réalistes contre idéalistes), l'opposition est philosophiquement la même. Tous ces clivages thématiques se superposent. La ligne de fracture entre classicisme et modernisme est donc fondamentale.

Or, si la modernité a cherché à détruire l'ordre naturel des choses, elle n'a pu qu'en obscurcir la perception et non le déraciner entièrement du cœur et de l'esprit des hommes. Une grande partie des Français sont donc toujours classiques c'est le cas quand ils veulent conserver leur identité et exiger des immigrés l'assimilation ou la remigration, quand ils voient dans l'Europe une civilisation et rejettent la bureaucratie de l’Union Européenne, quand ils approuvent les crèches de Noël dans l'espace public et refusent le laïcisme, quand ils rejettent tant la loi de la jungle libérale (travail du dimanche) que l'égalitarisme socialiste (assistanat) mais veulent un État fort (protecteur) mais limité dans ses interventions (subsidiarité) ou encore quand ils défendent la famille traditionnelle contre une atomisation hédoniste.

C'est ce que ni François Fillon ni Marine Le Pen n'ont, semble-t-il, compris. Faisant preuve d'une incohérence doctrinale (sous prétexte d'attirer à eux différents segments électoraux), ils sont prêts à défendre une position moderne sur certains sujets tout en tendant vers une analyse classique pour d'autres. Ils ne satisfont donc vraiment personne. Voilà pourquoi l'avenir de la « droite hors les murs » s'il paraît à première vue bouché, est ouvert et prometteur, si celle-ci se fait clairement le porte-parole de la pensée classique. Encore faut-il qu'elle trouve ses incarnations tant nationales que locales.

Guillaume Bernard monde&vie  15 décembre 2016

Guillaume Bernard est maître de conférences à l'ICES (Institut Catholique d'Études Supérieures). Dernier ouvrage paru La guerre à droite aura bien lieu, Le mouvement dextrogyre, DdB. 2016,396 p., 19,90 €.

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