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Le gaullisme de François Fillon

De quelle droite Fillon est-il le nom ? Orléaniste, légitimiste, bonapartiste ? Ou aimable synthèse de ces trois pentes naturelles à l’homme de droite, toujours balançant entre État fort, libertés individuelles et subsidiarité ?

La question est peut-être prématurée, car il nous faut faire un peu abstraction du Fillon qu'on a connu (serviteur partisan des maîtres du moment, bradant la France sur leur ordre) et de celui qu'on verra peut-être apparaître à la faveur de la campagne présidentielle, au moment où son programme se précisera et où il essaiera de rassembler au-delà de son camp.

Certains le voient bonapartiste, légitimé par le plébiscite de la primaire « de la droite et du centre » et bientôt porté en triomphe par l'élection présidentielle.sa légitimité numérique l'autorisant à gouverner par décrets et référendums il en annonçait cinq, déjà réduites à deux réforme des institutions et des retraites (immigration, équilibre budgétaire et organisation ne font plus partie - pour le moment - des référendums prévus). Démocratie directe, moins de représentants et moins d'échelon territoriaux ce sont autant de contre-pouvoirs qui seraient affaiblis et l'autorité de l'État qui serait renforcée-y compris vis-à-vis de l'Europe, puisque Fillon insiste sur la nécessaire souveraineté de la France.

Pourquoi pas orléaniste, aussi, puisqu'il est censé être ultra-libéral, voulant dégraisser l'État et la dette du pays, donner le pouvoir aux patrons dans les négociations (avec un référendum d'initiative patronale si les négociations collectives avec tes partenaires sociaux échouent, au niveau des entreprises), il annonce aussi vouloir réformer une Santé trop généreuse, payer les fonctionnaires au mérite... au point que les pauvres sont les absents de son programme, ce qui en fait la grande fragilité populaire. « Le conservatisme sera social ou ne sera pas », comme le remarque François Huguenin (Le Figaro, 2 décembre). Le catholicisme du candidat ne semble pas trop le freiner quand il s'agit de lois sociétales, ce qui est assez orléaniste - et tellement en accord avec les déclarations de la Conférence des évêques de France, très orléanistes eux-mêmes en matière de relations entre l'Église et la société !.

Mais son légitimisme paraît moins marqué. Le Fillon a un petit côté réactionnaire, certes, puisqu'il a l'air d'aimer la France, et de ne pas juger cela rétrograde ni honteux. Il n'hésite pas à parler des racines chrétiennes de la France, donc à s'enraciner dans le temps long, comme tout bon contre-révolutionnaire. Mais son conservatisme moral n'apparaît tel, qu'aux yeux des libéraux forcenés, qui rêvent d'un espace social vierge de toute morale collective.

"Faire avec" est sa devise

En fait, il est très clair que Fillon n'est pas du tout légitimiste souverainiste, certes, mais pas au point de remettre en cause l'Europe (dont il parle peu). Point enragé de droit à la différence, certes, mais considérant que l'époque est ce qu'elle est (à défaut d'être Antigone, il ferait donc un bon Créon, ce qui est une bonne chose à la tête d'un État). Mais surtout privilégiant l'économique, pas tellement à son corps défendant, mais parce que la chose est pour lui primordiale. Il est certain que l'économie est si dégradée que commencer par elle paraît nécessaire, même pour qui voudrait, à terme, sur des bases assainies, restaurer une autre France. On ne sent pas Fillon sur cette pente son goût pour l'histoire, c'est une manière d'être proche de toutes les générations, et son goût pour l'éducation n'est que naturel et rationnel dans un pays où maitriser l'école signifie gouverner tes consciences.

Pour le dire autrement, le bien commun paraît moins le but à atteindre que le résultat mécanique d'une série de mesures économiques assorties d'un peu de bon sens social. Là encore, on peut saluer une manière de réalisme (qu'on retrouve dans son approche de la politique étrangère et dans son traitement des revendications communautaristes musulmanes) mais déplorer un manque de vision politique. « Faire avec » est la devise de Fillon.. Fillon est donc un orléaniste bonapartiste. Alliance de la carpe et du lapin, comme le notait finement Marcel Gaucher, en anticipant les difficultés à venir. « Imposer le libéralisme est par nature une tâche difficile, puisqu'il est foncièrement hostile au volontarisme. Prendre le risque d’affaiblir l'État quand on compte sur son autorité n’est pas chose simple. » (Le Monde, 29 septembre). Non, ce n'est pas une chose simple, mais c'est un classique de la démocratie à la française, qui a toujours su ce que l'idée de liberté recelait de totalitarisme, quitte à lui rendre un culte, pour cette raison même. On est bien dans le gaullisme, c'est-à-dire un faux conservatisme, où l'illusion de la grandeur (de la France, de l'État, de la civilisation) aveugle dans un premier temps, puis elle justifiera dans un second temps qu'on accompagne le mouvement sous prétexte de le gouverner, avec une raideur de caporal. Fillon, libéral amoureux d'un État fort, paraît bien gaulliste. Ce n'est pas lui qui synthétisera les trois droites.

Hubert Champrun monde&vie 15 décembre 2016

Commentaires

  • Excellente analyse dont on ne peut qu'approuver le résultat (Fillon est gaulliste car orléaniste et bonapartiste) du moins dans le résultat de l'opération de classification. Le regret de la non réconciliation de l'inconciliable (des 3 droites) parait étrange. Qui le voudrait ?
    Une remarque au sujet du libéralisme à proprement parler: il est un idéologie avec ses dogmes. Le gaullisme n'a que faire des dogmes et nanti de sa constitution c'est à dire de lois, ne répugnera jamais à les utiliser ou à les violer à son avantage. Il est d'abord un pragmatisme et la liberté de ses administrés n'est qu'un aspect de la puissance de l'Etat. Et qu'on ne dise pas que la Grande Bretagne ou les Etats Unis sont des états "libéraux": un Etat a ses prérogatives partout et c'est le propre des vraies politiques que de le reconnaitre.

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