Conservateurs et libéraux ont souvent fait route ensemble, au risque de brouiller les frontières entre eux, alors que les différences sont de taille. Le conservatisme reconnaît ainsi l'existence d'un bien commun et promeut les communautés et les corps intermédiaires pour le réaliser, accorde une plus grande place à l'autorité charnelle et incarnée, aux hiérarchies ; il est sensible aux excès du projet politique moderne qui est au fond le projet libéral, articulé autour du rationalisme, de l'individualisme égalitaire et de l'utilitarisme. Il fait l'éloge du particularisme, croit à l'existence des peuples et à l'utilité des frontières, rappelle avec Disraeli que "les nations ont un caractère propre aussi bien que les individus", alors que l'anthropologie libérale conduit à al vision d'un individu planétaire unique appelé, à la fin de l'histoire, à être régi par un droit et un marché universels.
"Roger Scruton, de l'urgence d'être conservateur", par Thomas Hennetier, Eléments, n°163