Le bloc-notes de Jean-Claude Rolinat
Emmanuel est brillant. Fils de bonne famille, un profil de premier de la classe, collectionneur de diplômes, crâne d’œuf et énarque pour tout dire, - pléonasme ? - , il a également accompli l’exploit très original d’épouser sa maitresse… d’école ! Parvenu au fait des honneurs, il compose avec elle un couple atypique mais très, disons, très « glamour », tout à la fois « chic » et décontracté, celui qui plait aux revues en papier glacé et stupéfie les capitales étrangères : Paris, décidément, sera toujours Paris !
Un horizon dégagé
Depuis son étonnante élection à la magistrature suprême, tout semblait marcher sur des roulettes pour le jeune Emmanuel : pas de troubles à l’horizon, pas d’attentat majeur, des banlieues calmes en apparence, une majorité parlementaire pléthorique, une opposition anéantie et un Front national déconsidéré. Et puis, l’horizon des vacances anesthésie toute velléité de rébellion… Merkel, Poutine, Trump, Netanyahou, tous dans la poche à grands coups de claques amicales dans le dos et de grands sourires enjôleurs, le tout maquillant les désaccords comme la balayette cache la poussière sous le tapis.
Le grain de sable
Mais voilà, un grain de sable dans les roulements à billes, un couac dans les roulements de tambours, un mensonge à assumer par rapport à une promesse faite aux armées que l’on ne semble cajoler qu’à l’occasion des revues et autres défilés, vient de ternir cette image d’Epinal du beau jeune homme à qui tout réussit.
De quoi s’agit-il ? Un « détail » comme dirait notre « grand blond », il y a 850 millions d’Euros qui disparaissent du budget de la défense ! Dans ces conditions, comment atteindre l’objectif des 2 % du PIB ? Evidemment, là ça coince et ça ne passe pas du tout pour le chef d’état-major des armées, le général cinq étoiles Pierre de Villiers, le frère de Philippe. Auditionné au Palais Bourbon, le CEMA fait part de son étonnement et de son mécontentement devant la commission de la défense de l’Assemblée Nationale. Rien de plus normal pour un cadre militaire de ce niveau. L’homme, brillant lui aussi, est dans son rôle d’avertisseur, d’éveilleur : il informe le législateur que les limites du supportable sont dépassées et que l’armée ne pourra pas remplir toutes les missions que l’exécutif lui confie : matériel souvent obsolète ou soldats trop sollicités. Alors, trop c’est trop et le général le dit franchement.
Il s’est sans doute trouvé une balance pour faire le petit rapporteur auprès du locataire du faubourg Saint-Honoré, lequel a recadré publiquement et sèchement Villiers, rappelant à tous les galonnés et étoilés de France et de Navarre qu’il est le chef ! C’est qui le chef ? « C’est moi », s’est sans doute écrié le Président Emmanuel Macron dans sa stupéfiante « remontée de bretelles » proférée la veille du 14 juillet. Lui, Il n’a pas connu les joies et servitudes du service militaire, les blagues de bidasses, l’odeur prégnante des rangers dans une chambrée, la délivrance d’une bonne douche après une marche harassante ou le staccato des armes automatiques que l’on tient dans ses mains. Contrairement à tous ses prédécesseurs qui, eux, savaient de quoi ils parlaient lorsqu’ils évoquaient la chose militaire, il n’a jamais mis les pieds dans une caserne avant d’être promu par le hasard du suffrage universel Chef de l’Etat.
Par ailleurs, Madame Parly qui a été nommée ministre des Armées, est-elle plus compétente que son marcheur de Président, pour occuper une telle fonction à l’hôtel de Brienne ? A moins que, ex de Bercy, elle ne soit là que pour couper dans le budget de la « grande muette » ?
Caprice de Prince
Il n’aime pas, Emmanuel, que son jouet se rebiffe, sinon il le casse, car il n’a jamais été habitué à ce qu’on lui résiste. Jusqu’à présent, tout lui a réussi, toutes les portes se sont ouvertes, la bonne étoile qui planait sur son berceau continue de veiller sur lui. Des hommes de l’ombre sont là pour lui. Mais, en humiliant quasiment le chef des armées, il a commis sa première gaffe d’enfant gâté. Avec lui, c’est « En marche ou crève » ! Pierre de Villiers ne s’est pas écrasé, il a courageusement démissionné : bravo mon général, la France, la France du pays réel, cette France-là est derrière vous. Les applaudissements de vos subordonnés qui vous ont accompagné jusqu’à la sortie du ministère, ont dû siffler aux oreilles du Président ! Dommage qu’il ne se soit pas trouvé un seul hiérarque militaire pour refuser de vous succéder. Il est vrai que depuis la fin dramatique de l’affaire algérienne, les soldats ne sont plus que des militaires ayant le petit doigt sur la couture du pantalon et l’œil fixé sur le tableau d’avancement.
Et demain, en « Macronie » triomphante, ne seront-ils plus que de simples fonctionnaires ?