Dix-huit ans après l’exclusion des mégrétistes du FN, Philippot a pris la porte. La comparaison est tentante. Un Le Pen chasse une capacité médiatisée. Après le polytechnicien venu du RPR dans les années 1980, c’est au tour de l’énarque Philippot issu des rangs chevènementistes de passer au tourniquet. Mais la comparaison doit s’arrêter là, tant les divergences sont nombreuses !
Bruno Mégret est resté quatorze ans au FN. Il a largement contribué à structurer son appareil. À former ses cadres et ses militants. À s’en faire aimer, lui permettant ainsi qu’à ses amis de gagner les élections internes au congrès de Strasbourg (1997). À construire un courant de pensée avec la revue Identité, matrice du courant identitaire si important aujourd’hui. Bruno Mégret a aussi conduit des campagnes électorales brillantes faisant partout progresser les résultats. Recueillant même à Vitrolles, avec son épouse Catherine, plus de 50 % des suffrages avec une participation au vote de plus de 90 % des inscrits : un record qui reste à battre au FN ! Bruno Mégret bénéficia aussi d’une bonne image médiatique assez vite instrumentalisée contre Jean-Marie Le Pen. Les couvertures d’hebdomadaire sur le thème « Mégret plus dangereux que Le Pen » contribuèrent à nourrir la méfiance réciproque. Lors de la scission, plus de la moitié des élus et des responsables suivirent Mégret, entraînant avec eux les militants de leurs fédérations. Mais une fois chassé du FN, Mégret fut prié par le Système de renoncer aux aspérités de son programme sur l’immigration, ce qu’il refusa de faire. Alors, les lampions médiatiques s’éteignirent. Et avec un Internet balbutiant et des réseaux sociaux inexistants, l’absence de visibilité médiatique conduisit à la défaite de Mégret aux élections européennes de 1999 (3,5 % pour le MNR [Mouvement national républicain], 5,5 % – et des élus – pour le FN).
Pour Philippot, la situation a été – et restera – bien différente. Pendant sept ans, son cerveau a été greffé sur celui de Marine Le Pen, dont il a nourri le logiciel de gauche paléo-souverainiste. Et son phrasé est devenu, sur tous les médias, le discours du FN officiel. Sérieux, mesuré au risque d’être lassant. Mais il n’a su se faire aimer ni des militants, qu’il prend pour des « imbéciles », ni des électeurs, qui l’ennuient. Des militants qui l’ont mal élu lors du congrès de 2014. Et qui l’auraient probablement bashé au prochain congrès de mars 2018. Des électeurs pas fascinés par son idéologie ni par sa personnalité ; des électeurs qui l’ont humilié lors des dernières élections législatives à Forbach. Ce garçon a manifestement oublié qu’en politique, il ne faut pas seulement se faire craindre mais aussi se faire aimer. Philippot part avec beaucoup de handicaps : à part sa garde (très) rapprochée, peu de monde le suivra. Ses thèmes souveraino-monétaires ne font pas rêver et il a le charisme d’une huître. Enfin, il aura du mal à trouver sa place entre Mélenchon, qui occupe une vraie position, Asselineau, qui a un vrai réseau, et un Dupont-Aignan qui a su, lui, prendre un virage identitaire.
Reste un atout, celui qui a manqué à Mégret après la scission de 1999 : les médias. Il sera invité à tour de bras – au moins au début –, ne serait-ce que pour contribuer à rediaboliser le FN et à dézinguer une Marine Le Pen, déjà assez mal en point. Pas sûr, néanmoins, qu’une mise sous respiration artificielle médiatique puisse durablement le sauver. Le moment viendra où il sera débranché ! Sic transit gloria mundi !
Je laisserai aux deux protagonistes le soin de conclure sur leurs différences essentielles. Pour Florian Philippot, « Bruno Mégret est parti sur une offre politique plus radicale ». Pour Bruno Mégret, « Florian Philippot défend un souverainisme nostalgique et une politique sociale passéiste digne des années 60 ». L’un pensait les années 2010 dans les années 1990, l’autre rêve des années 1960 au début du XXIe siècle.
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