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Du multilatéralisme

par Louis-Joseph Delanglade 

L’occasion fournie par la tribune de l’ONU était trop belle et il a su en profiter : face à un M. Trump qui joue toujours à merveille son rôle de cow-boy tonitruant, notre M. Macron national a fait coup double en prononçant son allocution.

Il a d’abord réussi, sur le plan personnel, à se poser en s’opposant, et pas à n’importe qui, au représentant de la première puissance mondiale, de la seule hyper-puissance même, acquérant du même coup une stature internationale certaine, ce qui en soi pourrait se révéler bénéfique pour la France ; il a de plus su répondre point par point, faisant de son discours une réponse sans concession à M. Trump, montrant ainsi qu’on peut envisager d’échapper à l’unilatéralisme états-unien, qu’on peut proposer et peut-être choisir une autre voie, qu’enfin donc une alternative existe dont les deux termes sont clairs. 

Donc, satisfaction ? Non, car reste posée la question de fond : que se cache-t-il derrière ce « multilatéralisme » assumé de M. Macron ? Le concept même est ambigu. S’agit-il, pour lui, du multilatéralisme dans sa version « réaliste », ou dans sa version « normative », d’un multilatéralisme tactique ou stratégique ? Dans le premier cas, cela signifierait qu’il demande  à des Etats souverains, et qui entendent le rester, de coopérer de façon ponctuelle parce que c’est leur intérêt bien compris. Dans le second cas, il souhaite l’aboutissement d’un projet mondialiste qui, jouant sur l’interdépendance croissante à différents niveaux (par exemple l’environnement), finirait par corseter lesdits Etats. Dans le premier cas, M. Macron aurait fait preuve et de bon sens et même d’intelligence politique : face à l’évident tropisme impérial des Etats-Unis d’Amérique, le multilatéralisme peut permettre à une puissance moyenne comme la France de rechercher un minimum d’ordre international fondé sur un certain équilibre ; il serait alors l’élément déterminant d’une politique étrangère conséquente qui renouerait avec la pensée et/ou les actes des De Gaulle, Maurras, Talleyrand, etc. Dans le second cas, M. Macron ne serait que ce qu’il a voulu peut-être paraître aux yeux de la planète (n’oublions pas la tonalité niaisement humanitariste d’une partie de ses propos) : une sorte de prophète dangereux annonçant la venue de temps meilleurs pour tous mais surtout un inéluctable processus dont on ne voit pas comment il pourrait, paradoxe suprême, ne pas constituer un aboutissement de l’imperium culturel états-unien auquel il prétend par ailleurs s’opposer, tant il est vrai que ne font qu’un l’unilatéralisme américain et la mondialisation libérale !

Macron pourrait lire M. Védrine, lequel, présentant son dernier essai*, rappelle que la communauté internationale n’est au mieux qu’« une mince pellicule à la surface du globe sous laquelle les peuples restent différents, avec chacun leur vision du passé, du présent et de l'avenir et leurs croyances, souvent incompatibles, voire antagonistes. » Il comprendrait que les institutions internationales procèdent de la volonté d’Etats souverains et, à notre sens, doivent leur rester soumises. Il peut le faire. 

Le Monde au défi, Fayard, 2016

http://lafautearousseau.hautetfort.com/

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