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La démocratie directe

Le lien entre la démocratie et la nation est exprimé notamment dans l'article 3 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui figure dans nos textes constitutionnels : "le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément."
     L'article 3 de la Constitution, lui, exprime le refus de toute oligarchie : "la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice."
     L'article 4 précise même l'intention des partis politiques : "ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie" : le font-ils réellement ? On sait que les partis sont des structures oligarchiques où la direction impose sa volonté aux militants et non l'ivresse. De plus, les partis se sont opposés souvent à la démocratisation des institutions, montrant souvent une hostilité réelle à l'égard du référendum. Quant à la souveraineté, ce n'est pas leur préoccupation première comme le montre le fait qu'ils ont accepté de contourner le référendum sur la constitution européenne où le peuple avait clairement dit "non". Le Général de Gaulle avait critiqué le régime des partis qui avait mis la France hors d'état de résister à l'armée allemande en 1940.
     Autrement dit, les principes constitutionnels de la démocratie directe existent en France mais ne sont pas appliqués. Et l'on s'étonne que beaucoup de Français montrent de la méfiance à l'égard des institutions politiques, de 40% de confiance dans le parlement à 12% seulement de confiance pour les partis politiques ! 
     Si l'on veut combler le fossé entre les gouvernants et le peuple, il faut que les gouvernants renoncent à l'oligarchie de fait et acceptent d'introduire en France la démocratie directe comme beaucoup de nos voisins.
Extension géographique
La démocratie directe qui permet au peuple, et pas seulement à ses représentants élus, d'abroger ou d'adopter des lois, est encore très minoritaire dans le monde. C'est la démocratie représentative pure, où seuls les représentants élus du peuple adoptent formellement les lois, qui demeure encore la règle de droit commun.
     La démocratie directe fonctionne depuis 1848 en Suisse (au niveau fédéral, cantonal et local) et aux États-Unis (au niveau de 27 États fédérés sur 50 et au niveau local). Le petit Liechtenstein la pratique aussi ainsi que l'Uruguay en Amérique latine. Depuis 1970, le référendum d'initiative populaire pour abroger une loi existe en Italie. Depuis la réunification allemande du 3 octobre 1990, la démocratie directe a été progressivement introduite dans tous les Länder allemands et souvent aussi au niveau communal. Peu à peu, la démocratie directe gagne en extension.
Outils de la démocratie directe
Il y a deux outils essentiels, le référendum veto et l'initiative populaire, un frein et un moteur.
     Le référendum veto consiste à permettre au peuple d'annuler une loi votée par le parlement. Il faut une pétition de citoyens (50 000 en Suisse, 500 000 en Italie) qui demande l'annulation de la loi. Si le nombre minimum de signatures est atteint, un débat est lancé et le référendum populaire a lieu environ six mois plus tard. Si le non l'emporte, la loi est annulée. Si le "oui" l'emporte, la loi est confirmée. C'est un frein pour s'assurer que les élus ne votent pas une loi que la majorité des citoyens réprouve, ce qui peut arriver compte tenu des puissants lobbies qui font aujourd'hui pression sur le gouvernement ou le parlement. C'est un moyen de redonner la parole aux citoyens non organisés en lobbies, en groupes de pression.
     L'initiative populaire est une pétition pour soumettre au référendum un projet de loi voulu par les citoyens signataires sur un sujet que le gouvernement ou le parlement ignorent ou ont peur d'aborder. En Suisse, le chiffre pour qu'une pétition soit valable a été relevé à 100 000 signatures. Aux États-Unis, le chiffre à atteindre est un pourcentage des électeurs, et il varie selon les États. Si le nombre de signatures est atteint, un débat est organisé sur les médias et le parlement donne son avis sur le projet en question. Il peut aussi rédiger un contre-projet qui sera soumis le même jour au référendum. Ainsi, le parlement n'est nullement mis à l'écart. La démocratie directe organise plutôt une saine concurrence entre les citoyens et les élus pour faire les lois : personne ne doit être exclu alors que la démocratie représentative pure exclut les citoyens de la fonction législative.
Effets
Des études universitaires très poussées en Suisse, en Allemagne, aux États-Unis notamment ont montré que les décisions du peuple étaient toujours modérées et raisonnables. Par exemple, les Suisses ont rejeté des mesures démagogiques comme l'adoption des 35 heures ou bien la suppression de l'armée. 
     Sur le plan des finances publiques, les travaux des professeurs Feld et Kirchgässner ont montré en étudiant les résultats des référendums financiers aux États-Unis et dans les cantons suisses que là où la démocratie directe existe; les impôts et les dépenses publiques sont un tiers plus bas que dans les pays où la démocratie est purement représentative. L'endettement public est de moitié plus faible. Ce résultat est d'une extrême importance à la fois pour le respect de la liberté de chacun que pour accroître la liberté de tous. 
     Plus généralement, la démocratie directe permet au peuple de faire de libres choix, hors des canaux réducteurs des consignes des partis politiques. Comme le dit Michael Barone dans sa préface au livre de Patrick Mc Guigan, The Politics of Direct Democracy : "Peut-être le meilleur argument classique en faveur de la démocratie directe est qu'elle permet de prendre en considération dans la décision politique des problèmes qui étaient ignorés pour des raisons institutionnelles ou idéologiques."
Yvan Blot, L'oligarchie au pouvoir

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