Je viens de lire, sur Boulevard Voltaire, les articles de Frédéric Sirgant et Patrick Robert qui demandent à Marine de s’effacer pour laisser place nette, aux européennes, à d’autres candidats et d’autres structures politiques.
Je pense, comme ces contributeurs, que Marine n’a pas été à la hauteur lors du débat de l’entre-deux-tours. Je pense, aussi, que le Rassemblement national n’est pas assez actif, qu’il ne sait plus descendre dans la rue ni perpétrer des coups médiatiques en mettant en première ligne les dirigeants, quitte à leur faire passer quelques heures dans les cellules d’un commissariat. Mais ceci ne veut pas dire qu’il faut prendre ses désirs pour des réalités. Demander à Wauquiez de s’entendre avec Nicolas Dupont-Aignan ou, à ce dernier, de bâtir une alliance avec la droite hors les murs, c’est aussi vraisemblable que de gagner le gros lot au Loto du patrimoine.
Alors, me direz-vous que faire si la personnalité n’est ni un politicien de droite, ni Marine ?
Comme l’expliquait Philippe Olivier, membre du bureau national du Rassemblement national, pour rassembler, il faut chercher le compagnon d’aventure, celui qui, venant de l’extérieur, consent à faire un bout de chemin avec vous. Or, prendre un Nicolas Dupont-Aignan ou une personnalité de l’appareil n’était pas le signe du renouveau que veut incarner le Rassemblement. C’est Sébastien Chenu, le député RN du Nord, qui, depuis un an, plaidait pour un profil « d’ouverture, issu de la société civile », un homme (ou une femme) neuf hors du système politique. Un homme brillant, intelligent et fiable. Or, cet homme, le mouvement national, d’après le JDD, l’aurait trouvé en la personne d’Hervé Juvin.
Souverainiste convaincu, proche du courant de la Nouvelle Droite, chroniqueur à la revue Éléments, auteur de nombreux ouvrages, entre autres La Grande Séparation, pour lequel il avait donné une tribune dans ces colonnes en 2014, cet homme d’affaires a aussi animé des tables rondes pour étoffer le programme présidentiel de Marine Le Pen.
Huit mois avant les élections européennes, le Rassemblement national semble, ainsi, tenir sa tête de liste. Une tête de liste qui ne porterait pas, pour une fois, le nom Le Pen au scrutin européen et qui, de plus, n’appartiendrait pas au sérail. Une tête nouvelle bien faite et bien pleine qui écarterait les habituels lieutenants de la présidente : Nicolas Bay et Louis Aliot.
Spécialiste de l’Europe, de l’écologie, de l’économie et du mondialisme, Juvin est, à lui seul, le symbole du couteau suisse. Très russophile (ce n’est pas moi qui m’en plaindrais), c’est un intellectuel, un vrai, un qui sait causer dans le poste et que l’on ne démonte pas facilement. Un qui a une vision à long terme sur la société mondiale et l’Occident mercantile. Certes, ce n’est pas un ami des États-Unis, mais lorsque l’on voit que la plupart des errances intellectuelles viennent des « States », on ne peut qu’approuver sa démarche (je ne mêle pas à celles-ci Donald Trump).
Seul point noir : son lien ténu avec le RN. Qu’il joue les francs-tireurs en apportant du sang neuf, voilà une excellente perspective, mais il ne faudrait pas qu’il profite de sa place confortable pour imiter Aymeric Chauprade. Une seule solution s’impose alors : que Marine le fasse passer au « polygraphe », ce détecteur de mensonges que l’on visualise dans tous les polars américains !