Le conflit s'envenime. Les pouvoirs locaux, en l'occurrence ceux des municipalités, se sentent légitimement bafoués par les oukases de l'État central. Ainsi, le 12 octobre une nouvelle protestation était publiée par l'Association des maires de France. Représentant 36 000 communes toutes tendances confondues, elle donne la mesure de l'exaspération. Les élus locaux n'acceptent plus ce qu'elles dénoncent comme une campagne de dénigrement. Car le Ministère des Finances lui-même incapable de présenter un budget équilibré juge bon d'orchestrer une campagne de désinformation
La question des finances locales ne constitue qu'un champ de bataille dans le contexte d'un contentieux plus large et plus grave. Elle reflète de façon cruciale le sentiment éprouvé par les régions d'être tenues à l'écart de toute décision par les ministères et les bureaux parisiens.
Ainsi, l'opinion peut-elle bel et bien mesurer le degré d'illusion qui accompagnait à l'évidence la promesse, au fond grotesque et irresponsable, de supprimer la taxe d'habitation.
On se souvient de la démarche non moins démagogique qui avait permis à Hollande de gagner en 2012. Au moins le discours du Bourget du 22 janvier 2012 dénonçait-il, avec éloquence, la finance pour ennemie du candidat socialiste. La finance : c'est-à-dire personne en particulier.
La fameuse taxe à 75 % sur les très hauts revenus avait été annoncée cette année-là le 27 février. Elle avait entraîné dès le 1er mars une protestation des professionnels du sport spectacle. Elle allait provoquer divers remous dans l'univers des plus gros contribuables. Mais elle séduisit sans doute les électeurs de gauche les 22 avril et 6 mai. Elle joua par conséquent beaucoup dans l'essor d'un politicien longtemps tenu, jusque-là, pour aboulique et insignifiant, surnommé Monsieur 3 %. Votée par la nouvelle majorité, elle allait cependant être censurée le 29 décembre par le méchant Conseil constitutionnel. Entre-temps Hollande avait été élu.
Difficile d'imaginer que les mentors du candidat Macron en 2017 n'aient pas cherché une astuce de même nature. Et, certes, leur nouvelle trouvaille rencontra, du point de vue électoral, un succès analogue à celui de sa devancière.
Malheureusement les choses ne pouvaient pas se reproduire à l'identique. Le mécanisme d'une suppression réservée à 80 % de la population a déjà commencé d'entraîner des conséquences logiques, aberrantes et inquiétantes.
Le seul effet pratique aboutit à combiner la perte de ressources directes qui en résulte pour les communes avec la baisse de la DGF, c'est-à-dire de la dotation globale de fonctionnement reversée par l'État central, alors qu'au contraire on avait promis la compensation… Le résultat pour le plus grand nombre de communes moyennes entraîne une asphyxie financière allant très au-delà de la simple compression des dépenses.
Perdre 5 % de ses recettes par an est gérable. Perdre, en un an, 30 % ne peut pas se gérer par un simple durcissement de la rigueur dans le contrôle.
Soulignons aussi qu'en matière de diminution de la fiscalité locale une piste immédiate, parmi d'autres, n'a pas été envisagée, celle de la suppression d'un prélèvement totalement inutile pour les citoyens, la redevance de 139 euros au profit de ce qu'on appelle l'audiovisuel public… un bon 10 % de la taxe d'habitation…
À un tel coup de force de l'État central, il ne pouvait être remédié que de deux manières : soit diminuer radicalement, et en une seule année, les services de toutes natures que les mairies assurent ; soit, solution adoptée par 6 000 communes françaises, augmenter la taxe, pour ceux qui la payent, l'année même où on prétendait l'abolir.
La communication gouvernementale aggrave encore le dossier en mettant précisément les 6 000 maires en accusation, espérant dans deux ans capitaliser un courant dégagiste, comme on dit aujourd'hui, en faveur du parti macronien dont l'implantation locale actuelle est quasi nulle. Cette évidente arrière-pensée se heurtera au rejet par l'opinion du président lui-même et de son présidentialisme arrogant.
On peut présumer même que cette erreur se payera cher.
JG Malliarakis