Est-il possible de baisser la dépense publique sans menacer la sacro-sainte redistribution des biens sur laquelle est fondée la morale dénoter état socialiste ? Les statistiques étrangères disent que oui. Trop d’argent redistribué, c’est moins d’argent pour tout le monde !
Les politiques français ont tout de suite mis en avant le coût des politiques publiques, c'est-à-dire qu'ils ont tout de suite établi, pour ne rien réformer, un quintuple lien entre dignité et qualité de vie, qualité de vie et pouvoir d'achat, pouvoir d'achat et fiscalité, fiscalité et dépense publique, dépense publique et services publics. Pour faire court si tu veux être heureux, attends tout de l'État !
Chaque lien pourrait et devrait être discuté. On peut imaginer, pour ne donner qu'un exemple, qu'étant mieux considérés dans leurs opinions les Français ne se sentiraient pas si indignes d'être pauvres leur indignité économique ne devient une indignité existentielle que parce que le politique a réduit l'existence à l'économique.
Mais revenons aux équivalences réductrices sur les politiques publiques, Macron et ses fortes paroles en tête « Faut proposer des vraies reformes, mais la vraie réforme, elle va avec la contrainte, les enfants! Parce que si derrière on veut ceci, comment on le finance ? C'est pas open bar. Le bar, c'est le nôtre. » 24 janvier).
Les dépenses publiques, toutes les dépenses publiques, sont assimilées, par Macron, à un service public, ce qui signifie que l'État, à travers les paroles de son chef, ne veut pas fondamentalement remettre en cause la manière dont il dépense, développant une solidarité prodigue, une administration dont on ne questionne pas la productivité et une dette financière qui augmente vertigineusement. La fiscalité, directe et indirecte (la TVA représente plus de 50 % des recettes de l'État), est supposée financer des services profitant à tous. On décrit ainsi une fatalité de la dépense mieux dépenser ne se traduirait qu'en moins dépenser, moins dépenser signifierait supprimer des services, qu'il s'agisse d'école ou de prestations sociales. Si on voulait conserver le service, il faudrait nécessairement augmenter l'impôt - par exemple en allant le chercher dans les successions, déjà plus taxées en France que partout ailleurs (les récents sondages faisant apparaître une forte volonté des Français pour la diminution de cet impôt spoliatoire).
Il faut regarder ailleurs
Laissons de côté l'examen de la réalité des services (les enfants savent-ils lire en sortant du primaire, par exemple ?). Regardons plutôt ce qui se passe quand on échappe à l'apparente logique administrative de ces équivalences en cascade, que Macron nous présente comme fatale.
Il y a plusieurs alternatives. Depuis la crise financière de 2008, plusieurs pays ont adopté des politiques budgétaires très différentes certains ont à la fois baissé leurs recettes (entendez les impôts) et leurs dépenses, comme le Canada et le Luxembourg. D'autres ont augmenté et leurs recettes et leurs dépenses, comme la France, le Mexique, le Japon, etc. D'autres, comme l'Autriche, l'Allemagne, ou l'Espagne, ont baissé leurs dépenses et augmenté leurs recettes. Sur la période 2009-2013, la croissance annuelle des pays qui ont tout baissé a augmenté de 2,4 %. La croissance n'a augmenté que de 0,8 % pour ceux qui n'ont baissé que leurs dépenses, et de 0,4 % pour ceux qui ont tout augmenté, comme la France.
La première leçon à tirer de cet examen international est que la redistribution à la française ne bénéficie pas du tout au pays le modèle du "toujours plus prélevé, toujours plus distribué"(1) immobilise l'économie. Pour le plus grand nombre, le niveau de vie stagne, la part des dépenses contraintes augmente, surtout pour les plus pauvres, et le pouvoir d'achat réel diminue et avec une croissance en berne, aucune chance qu'une quelconque mécanique vertueuse se mette en place, même avec des entreprises prêtes à considérer autrement le profit et le travail.
La seconde leçon est que l'État doit arrêter de confondre son appareil et son action le but de l'impôt n'est pas d'entretenir un État obèse et inquisiteur au motif que l'État redistribuerait, quelles que soient les conditions et les résultats de cette redistribution.
La troisième leçon est qu'il faut sortir d'une logique binaire selon laquelle on ne pourrait pas avoir à la fois un impôt raisonnable et un service public de qualité c'est-à-dire, somme toute, une redistribution solidaire. C'est comme si un entrepreneur expliquait qu'il ne peut pas à la fois fabriquer un produit de qualité, bien payer ses employés et le vendre à un prix honnête. Beaucoup d'entrepreneurs réussissent à résoudre cette équation à trois variables.
Ce n'est pas en spoliant les Français de leur capital immobilier, de leur épargne, de leur salaire que l'État arrivera à améliorer le sort de chacun. Ce n'est pas en arbitrant sans cesse en faveur de l'investissement au détriment du travail que l'État arrivera à rendre leur dignité aux travailleurs. L'État doit apprendre à être efficace, et cette efficacité pose la question directe de son rôle la vocation de l'État est-elle de se substituer en permanence aux relations personnelles ?
1) En France, les prestations sociales représentent plus de la moitié de la dépense publique, alors assimilée à de la redistribution.
Hubert Champrun monde&vie 8 février 2019