Organisée par les proches de Marion Maréchal :
L’événement devrait, sauf changement, se tenir le week-end du 28-29 septembre, à Paris. Ils comptaient créer la surprise en l’annonçant peu avant l’université d’été du RN et le meeting de rentrée de Marine Le Pen, prévus à Fréjus les 14 et 15 septembre. A l’organisation : le cercle Audace, un réseau réunissant la bourgeoisie entrepreneuriale et conservatrice autour de François de Voyer, le collectif Racines d’avenir du trublion LR Erik Tegnér, et Jacques de Guillebon, rédacteur en chef du magazine L’Incorrect. Ensemble, ils montent régulièrement des événements autour de Marion Maréchal.
Le plus convoité des polémistes de la droite radicale, Eric Zemmour, sera l’une des têtes d’affiche. Emmanuelle et Robert Ménard devraient être de la partie. « Ce sera un espace de discussion pour faire avancer l’union des droites », se réjouit la députée de l’Hérault, sans étiquette mais classée à l’extrême droite. Elisabeth Lévy, rédactrice en chef de la revue Causeur, ne dit pas non : « Moi, je parle avec tout le monde. Quand je suis avec Marion et Zemmour, j’ai l’impression d’être de gauche, dans le camp du bien ! »
Le choix de Marion Maréchal de s’inspirer du puissant CPAC américain n’a rien d’anodin. Créée en 1973, cette grand-messe réunit chaque année 10 000 participants venus écouter les stars du Parti républicain. En mars dernier, Donald Trump y a déroulé l’un de ses plus longs discours, truffé d’attaques contre les démocrates (« Nous croyons au rêve américain, non au cauchemar socialiste »). En campagne pour sa réélection, il a fait vibrer les cordes anti-immigration, pro-armes et anti-avortement qui l’ont mené au pouvoir, avant de câliner le drapeau américain au son de la chanson «God Bless The USA».
Au CPAC 2018, Marion Maréchal avait repris, en anglais, le slogan du président américain : « Je ne suis pas offensée quand j’entends le président Donald Trump dire “L’Amérique d’abord”. En fait, je veux l’Amérique d’abord pour le peuple américain, la Grande-Bretagne d’abord pour le peuple britannique et la France d’abord pour le peuple français.» Un mois plus tard, invité au congrès du Front national à Lille, l’ex-stratège de Donald Trump, Steve Bannon, la décrivait comme la « rising star » de la droite nationaliste tricolore.
« Ce qu’on veut défendre, c’est un trumpisme à la française : plus de taxation aux frontières nationales, mais moins à l’intérieur », assume un proche de Marion Maréchal. Une ligne « hors les murs » des partis politiques en France. Le camp conservateur américain s’était divisé. The Reagan Battalion, un influent compte Twitter, la qualifiait de « socialiste-nationaliste », éloignée des idées de Trump « en dehors de l’immigration et de ses vues sur la question LGBT ». Matt Schlapp, organisateur du CPAC, avait défendu : « Marion n’est pas sa tante. Marion est une libérale classique, une conservatrice ». L’ancienne députée FN du Vaucluse assume ce qualificatif. Dans un entretien fleuve à Valeurs actuelles, en avril, elle revendiquait « une disposition de l’esprit » qui consiste à « conserver ce que nos pères ont patiemment construit de beau, de juste et de vrai ».
Reste que, contrairement au Tea party, les libéraux-conservateurs français dont Marion Maréchal est l’égérie parlent en priorité à la bourgeoisie, de préférence réactionnaire et catholique traditionaliste. « Le populisme semble être une impasse électorale. Si l’on doit bien sûr défendre les classes populaires, on ne peut faire l’économie de s’adresser à la classe moyenne et haute », assumait Marion Maréchal dans la même interview, pour se démarquer du « gaucho-lepénisme » – selon l’expression du politologue Pascal Perrineau – repris et développé par Marine Le Pen.
L’inspiration américaine peut-elle stimuler l’union des droites hexagonales ? Jean-Yves Camus, politologue associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques, spécialiste des nationalismes et extrémismes en Europe, juge l’analogie « peu pertinente ». Premier obstacle : la sociologie électorale. « La victoire de Trump, rappelle le chercheur, c’est avant tout la victoire de “l’Américain moyen radicalisé”, selon le terme de Samuel Todd Francis. C’est-à-dire la classe populaire et moyenne qui se sent dépossédée de son pays culturellement, démographiquement et racialement. »
Deuxièmement, le différentiel de marginalisation. « Le CPAC est la partie émergée de l’iceberg, observe Jean-Yves Camus. Derrière, il y a un travail de grass roots [travail de terrain] permanent qui repose sur le Parti républicain, sur l’adhésion au président des Etats-Unis, sur une presse conservatrice forte… Les conservateurs américains sont une force majoritaire, ce qui suggère que Marion Maréchal méconnaît les Etats-Unis et l’histoire profonde du mouvement, de Reagan à Trump. » Un député RN résume crûment : « Le créneau libéral-conservateur, c’est Alain Madelin croisé avec Christine Boutin. Ça fait fuir les Français ! »
Reste à voir quels visages, en dehors du cercle habituel, se joindront à la fameuse convention. « S’il s’agit de réunir sous une même tente Eric Zemmour et les gens de L’Incorrect, ce sera un énième remake des réunions de la droite hors les murs », relève Jean-Yves Camus. Robert Ménard l’avait fait déjà fait à Béziers, en mars 2018. Sans lendemain.