Robert Ménard est un maire qui ne laisse pas indifférent. Fort d’un bilan positif, il se lance dans la conquête d’un deuxième mandat et a publié en mai un livre qu’il faut lire : Un maire ne devrait pas dire ça.
Maire, un métier et des dangers
Les premiers mots de cet article sont pour évoquer la mémoire du “Maire courage” de Signes, Jean-Mathieu Michel, tué lors de l’accomplissement de sa mission d’agent de l’État en voulant rappeler à l’ordre des contrevenants. Selon le ministère de l’intérieur, 361 maires et adjoints ont été agressés en 2018. Dans notre République, constituées de collectivités dont chacune dans son essence et son fonctionnement est le miroir du modèle national, la multiplication des signes et incidents inquiétants s’amplifie. Le maire est le premier élu à constater sur le terrain la dégradation de la vie civique dans un contexte de crise économique structurelle. Et le maire est aussi souvent le seul élu qui soit encore respecté par les citoyens. Mais souvent, il se sent seul face au désarroi de ses administrés et devant la montée des incivilités, abandonné par l’État et même la Justice. Qui se souvient par exemple de Maurice Boisard, maire PS de Cousolre (Nord), condamné en première instance en 2010 pour avoir giflé un adolescent qui l’avait insulté ? Malheureusement, il existe aussi des élus, avides de clientélisme, qui semblent s’accommoder de la situation de leurs villes du moment que leur réélection est assurée.
Robert Ménard, un livre de campagne
A l’approche des élections municipales, Robert Ménard, maire de Béziers, lance avec ce livre un plaidoyer pour appuyer sa candidature pour un second mandat. Il est destiné d’abord aux Biterrois mais il veut être aussi porter témoignage d’un renversement de situation qui a pris une portée symbolique en 2014 car cette élection était devenue un enjeu national. Béziers (près de 80 000 habitants), vieille cité grecque, est depuis 1945 aux mains de la gauche (dite “cassoulet”) ou d’une UMP frileuse dans un contexte de déclin économique. Havre pour les Pieds noirs après le drame algérien, mais aussi objet d’une immigration importante qui a remodelé son visage, elle a finit par devenir une ville emblématique de la France périphérique, mise à l’écart de la mondialisation, avec son cortège de disparition d’emplois, de paupérisation et d’acculturation.
Aux élections de 2014, Robert Ménard, biterrois d’origine pied noir, ancien journaliste engagé à gauche (Reporters sans frontières) relève un défi qui attire sur lui les foudres de la presse locale (Midi libre) et nationale (Médiapart entre autres). Il est élu avec l’appui du Front national, de Debout la France et de personnalités courageuses pour succéder à Raymond Couderc (UMP), à l’héritage décrié et «classé dans la presse dans le hit parade des plus gros cumulards» (dixit R.M.). Un article de l’Obs du 18/10/2015 plante le décor tout en critiquant déjà le nouvel élu :
« La chance de Ménard, élu avec l’appui du Front national, c’est de succéder à un maire, Raymond Couderc (UMP), à l’héritage décrié… Laissé en déshérence, vidé de ses magasins, le centre-ville a été investi par une population pauvre, Gitans et Maghrébins. A la sortie de certaines écoles élémentaires, il n’est pas rare de ne voir que des femmes voilées. Autour des allées Paul-Riquet, cœur de la cité, difficile cependant de sentir le fameux changement vanté par les supporters de Ménard. Seule la brasserie Cristal, qui vient d’être refaite, attire un peu de monde. Pour le reste, Béziers est une cité comateuse… »
Rudement éreinté par la presse locale qui l’accuse d’avoir mis en place un laboratoire d’extrême droite, des tombereaux de vertes critiques tentent depuis 2014 de discréditer la nouvelle municipalité. Un site d’opposition Envie à Béziers (https://www.envieabeziers.info/extreme-droite/1476-reconnaitre-le-fascisme-faites-vous-meme-votre-evab-test) du 2 juin 2019 va même très loin en affirmant que Robert Ménard est le prototype d’un nouveau fascisme. Ce dernier appelle ses détracteurs de mauvaise fois les “antifascistes de carnaval“.
On peut résumer le livre de Robert Ménard en trois points :
– Son élection, choc salutaire, est la preuve que le système peut perdre localement
Pour cela, le nouveau maire et son équipe ont dû faire preuve de ténacité et absorber un travail considérable. Selon Robert Ménard, outre le déchaînement de la presse à son encontre, de sourdes oppositions se sont immédiatement dressées sur le chemin du changement à Béziers :
Une opposition interne : Alors que les bureaux ont été laissés pratiquement vides de dossiers par l’équipe précédente, vielle méthode politique, la “haute administration” municipale a manifesté de la réticence à aider les nouveaux élus. Il a donc fallu s’affirmer afin de reconstituer les dossiers pour pouvoir travailler.
Une opposition venant d’en haut : le représentant de l’État dans le département s’est montré particulièrement pointilleux pour exercer le contrôle de légalité sur les affaites traitées par la nouvelle équipe. «Un corps préfectoral qui se bouchait le nez pour travailler avec nous » (dixit R.M). De même, le renforcement de la police municipale a suscité une guerre larvée avec le procureur de la République « au point qu’il m’est arrivé de me demander s’il était vraiment du côté de la police » (dixit R.M.).
Le travail a été accompli grâce au sentiment que la population, qui en avait assez de ce qu’était devenue la ville, approuvait et le témoignait. « Sur le fond, nous étions les élus du petit peuple, à leurs yeux forcément ignorants et incultes » (dixit R.M. à l’adresse de ceux qui contestèrent sa capacité à prendre les rênes de la ville).
– Redonner à une ville blessée sa dignité
Avec les gestions laxistes précédentes, la ville a beaucoup souffert de son image. Les Biterrois les plus modestes souffrent d’une double insécurité : physique, avec la délinquance et sociale et culturelle avec la peur de l’avenir pour leurs enfants. Ils aspirent donc à une vie normale sans avoir à quitter leur ville et approuvent les politiques de fermeté. Pour cela, il a fallu auparavant mettre les choses au point avec certaines associations et même le clergé local très orienté. Des mesures sociales ont été prises, comme la mutuelle municipale, le prix des cantines scolaires, la gratuité des musées, etc. Le maire se bat avec succès pour le maintien des Galeries Lafayette et de EDF-Energies nouvelles à Béziers. Son principe « Si une bonne partie de la population de Béziers est pauvre, pas question de multiplier les aides sans contrepartie » donne le ton. Une gestion rigoureuse a été également engagée pour réduire le nombre d’années d’endettement de la ville. Enfin, Robert Ménard s’attache à insuffler à sa ville un esprit patriotique consensuel en restaurant la maison de Jean Moulin, en inaugurant le buste de Jean Jaurès et une rue du Commandant Hélie Denoix de Saint-Marc qui remplacera celle du 19 mars 1962. Il reconnaît par ailleurs des erreurs de communication au sujet d’affiches maladroites.
– Une mandature ne suffit pas….
Le mal est trop profond pour être réparé en 5 ans. Le problème de l’emploi est trop dépendant de facteurs exogènes et son traitement demandera beaucoup de patience. Les gens de Béziers le savent. Idem pour l’insécurité, la violence endémique qui fait que des individus circulent armés de couteaux comme nous l’apprend la Dépêche.fr du 17/08/2019 (La nuit de fête entre le 14 et le 15 août se termine tragiquement. Deux frères ont reçu des coups de couteau lors de la feria, à Béziers). C’est un travail de fond au niveau national et local que les forces du changement entreprennent. « Béziers est sur le bon chemin. Mais il ne faut surtout pas baisser la garde, doucher les enthousiasmes, croire et faire croire que la partie est gagnée » (dixit R.M.). D’autant plus que la mairie de Béziers figure en bonne place dans le plan de campagne de la macronie pour les municipales de 2020. Le parti du Président veut arracher Béziers à l’emprise des “populistes” et cherche le bon candidat. Il n’hésitera pas à s’allier pour cela à des candidats appartenant à la droite et la gauche classique pour battre ou faire battre Robert Ménard par le jeu d’une triangulaire.
Albert Tureveux
Tribune reprise du site de Polémia