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Crise financière de l'autorité

6a00d8341c715453ef0240a49ccce7200c-320wi.jpgÀ la fin des années 1960 et après quelque 10 ans de fonctionnement des institutions de la cinquième république l'un de ses principaux fondateurs soupirait devant un relatif sentiment d'échec. Michel Debré, son premier chef du gouvernement de 1959 à 1962, et dont le dont de la popularité ne constituait pas le trait dominant disait en effet : "il faudra un jour gouverner cruellement".

Devant l'accumulation des mécontentements du jour, des mobilisations dans les services d'urgence des hôpitaux, des blocages dans les facultés, des annonces de paralysie dans les transports pour le mois de décembre, mais aussi du désarroi des forces de l'ordre qui n'en peuvent plus, cette petite musique doit tinter aux oreilles d'un pouvoir secrètement aux abois.

On pourrait considérer que les vieux appareils contestataires, cités par les journalistes, aussi bien la CGT de Martinez, que la France insoumise de Mélenchon, voire le NPA trotskiste ou le PCF stalinien considérés comme moribonds, amusent la galerie. À vrai dire, ils cherchent surtout à redorer leur blason en parasitant le mouvement, suivant en l'occurrence le conseil avisé de Cocteau : "puisque ces événements nous dépassent, feignons d'en être les organisateurs".

Mais, en face, leurs interlocuteurs d'État ne disposent plus des marges économiques suffisantes de nature à calmer le jeu par des mesures cosmétiques, comme on aime tant à la faire à Paris.

Dans notre précédente chronique [1]nous évoquions en effet la difficulté dans laquelle s'enfoncent les finances de l'État et nous supposions qu'elle éclaire les tiraillements au sein des cercles de pouvoir.

Depuis 5 ans, l’Institut économique Molinari[2], sous la direction de Cécile Philippe, calcule ainsi le jour théorique de l'année où les dépenses États-Membres de l’Union européenne ont dépassé toutes leurs recettes annuelles. Dans cette optique, par conséquent, le déficit et la création de nouvelles dettes, alors, commencent.

Les administrations centrales en moyenne, avaient épuisé leurs ressources, en 2018, le 16 décembre, 4 jours plus tard qu’en 2017, ce qui représente  un progrès notable.

En revanche, cette date se situe, pour la France au 12 novembre. L’État en France est parmi les 3 champions des déficits. L'écart de 33 jours, entre l'État central parisien et ses voisins, a augmenté de 8 jours entre 2018 et 2017 en dépit d’une conjoncture économique favorable et des affirmations réformatrices de la majorité macronienne.

Les diverses comparaisons avec la plupart des autres pays se révèlent accablantes pour la technocratie française. Elle se montre incapable de juguler le flot des petites décisions démagogiques qui s'accumulent en fait, sans autres contreparties que des aggravations subreptices de la fiscalité. Ces alourdissements, d'ailleurs toujours insuffisants, sont ainsi souvent présentés comme des suppressions de niches : on fait mine de les considérer dès lors comme des diminutions d'exonérations supposées injustes, des passe-droits, etc. Les adversaires du capitalisme, tous les Piketty de service, sont priés d'applaudir, ils deviennent même les indispensables propagateurs des mots d'ordre au service des technocrates de Bercy.

Les projections de l’IEM font aussi apparaître une double tendance inquiétante. En effet, les décisions dépensières non financées de l'administration centrale française augmentent. Elles pourraient représenter 62 jours en 2019 et 59 jours à prévoir pour 2020.

Plus grave encore, l'État central, concentre à la fois, et de plus en plus le pouvoir de décision. Mais, sans déléguer en droit, il transfère le poids de leur impopularité sur les collectivités dites locales, et sur les structures aux comptabilités autonomes : villages dont on rogne année après année les moyens de s'organiser pour survivre, départements auxquels on assigne la gestion de l'assistanat social, mais aussi assurance maladie monopoliste, dont 40 % des dépenses sont concentrées à l'hôpital, universités réduites à la portion congrue, etc.

Or, si l'on comptabilise les résultats en jours de dépenses non financées, on constate, certes, d'abord dans les pays voisins, bénéficient d'institutions plus ou moins fédéralistes, des finances publiques équilibrées depuis 2017, qui ont encore généré 4 jours d’excédent en 2018.

En revanche dans notre république jacobine, les administrations centralisées font apparître un recul global représentant un déficit de 6 jours. Mais ce sont au contraire les administrations locales équilibrées depuis 2014 qui ont fait 2 jours d’excédent en 2018, idem pour les comptes des organismes de sécurité sociale faussement équilibrés depuis 2016 et contraints encore de produire 6 jours d’excédent en 2018.

Or, tout repose sur le discours plébiscitaire présidentiel, et sur la prétention permanente d'un arbitrage jupitérien.

Dès lors, tous les calculs politiciens, sondagiers ou médiatiques, s'investissent sur les hypothèses de l'élection future d'un maître des horloges qui se prête lui-même au jeu des plus petites promesses, irréfléchies et irréalisables. Ainsi l'idée complètement démagogique de 2017 de la suppression de la taxe d'habitation a conduit à une impasse redoutable pour les municipalités. On peut redouter ce qui sera inventé pour 2022.

Si elle se poursuit, cette tendance ne peut conduire qu'à l'éclatement du pays. Et, dès maintenant, c'est la situation de ses finances qui marginalise la nation.

Les désaccords affichés se multiplient, y compris quand il s'agit de montrer un îlot de fermeté dans l'océan du délire et des désordres immigrationnistes.

Ministre de la justice, investie de l'autorité, et à la tête de l'administration en charge de l'application des lois, la citoyenne Belloubet fait, par exemple, connaître ses divergences dans ce débat particulièrement sensible. Elle s'affirme clairement dans le camp du laxisme politiquement correct, dont le pouvoir cherche à se démarquer.

Or, on doit souligner qu'un des principes fondamentaux du fonctionnement d'une démocratie s'appelle la solidarité gouvernementale.

Jean-Pierre Chevènement résumait ainsi en 1983 cet impérieux devoir : "Un ministre, ça ferme sa gueule ; si ça veut l'ouvrir, ça démissionne." Il s'est appliqué la règle, non sans quelque panache, en deux circonstances, d'ailleurs cruciales. Quelque peu oubliées de nos jours, elles méritent d'être rappelées.

En mars 1983, il s'opposait au virage du septennat Mitterrand. Celui-ci avait débuté par les deux gouvernements Mauroy, sous les auspices de ce désastreux programme commun socialo-communiste, que lui-même, à la tête du CERES, avait rédigé. Les réalités économiques conduisant les socialistes à en rectifier désormais le tir. Il démissionne dès lors de ses titres ronflants de ministre d'État, ministre de la Recherche et de la Technologie.

En janvier 1991, ministre de la Défense, il se trouvait à nouveau en désaccord avec son florentin président. Il n'acceptait pas la participation de l'armée française à la coalition embarquée pour défendre l'émirat du Koweït annexé en tant que 19e province irakienne par Saddam Husseïn en 1990.

La Belloubet et tous ceux qui s'opposent au recentrage, hypocrite et contradictoire, affiché de la Macronie s'honoreraient donc, mais le verbe n'appartient peut-être pas à leur vocabulaire, en suivant cet exemple.

Outre la crise institutionnelle et morale que de telles fausses notes manifestent, on ne doit pas s'interroger trop longtemps, sur la raison profonde de leur recrudescence.

Le proverbe l'enseigne : "quand il n'y a plus de foin au râtelier les chevaux se battent". Les ânes aussi, dans une autre version. Les ministres également.

On apprend dès lors que tel ou tel d'entre eux a été "recadré". Significative expression : mais où se trouve le cadre ?

Dans un régime d'opinion, tournant trop vite à l'addition des démagogies, la dépense publique sert de lubrifiant aux popularités. On ne cherche plus à distribuer du pain et des jeux, comme dans la Rome impériale décadente. On prétend désormais investir, au nom d'un "keynesianisme" d'imposture, de l'argent qui n'existe pas, dans des projets sans véritable utilité. Quand, avec ironie, on qualifie, de "pas perdues pour tout le monde" les sommes souvent colossales englouties par nos décideurs politiques et nos omniscients technocrates dans de stériles éléphants blancs, la vérité économique les constate, hélas, évaporées pour l'ensemble des contribuables, à proportion des impôts qu'ils supportent.

Le cochon de payant grogne. Faut-il s'en étonner ? Mais les vraies victimes demeurent les assistés qui voient leurs ressources baisser du fait même de la ruine du pays. Quand il ne reste plus rien à voler, les malandrins et les cambrioleurs eux-mêmes crient famine.

L'addition de ces humeurs caractérise la France macronienne, car depuis deux ans, loin de s'améliorer la situation des finances publiques s'est dégradée. Les chiffres commencent à circuler. On ne les dissimulera pas bien longtemps.

La question de ses déficits persistants, place la France en très mauvaise posture au sein d'institutions européennes, où l'homme de l'Élysée cherche pourtant à nous faire croire qu'il exerce un rayonnement sans égal.

Quand un mauvais élève veut tromper son monde, il lui faut copier sur son voisin. Cette tricherie, venant de celui qui se donne pour la disciple de Paul Ricœur impacte donc, de plus en plus sérieusement, la cohésion de la fragile majorité issue des élections de 2017.

JG Malliarakis  

Mercredi 27 novembre Conférence de JG Malliarakis sur la Naissance de l'Illusion mondialiste à l'occasion de la réédition du livre d'Emmanuel Beau de Loménie "La Ratification du Traité de Versailles"
de 18 h à 20 h au Café du Pont Neuf 14, quai du Louvre M° : Louvre, Pont Neuf ou Châtelet

6a00d8341c715453ef0240a4b54a99200d-120wi.jpgUne publicité de bon goût pour les livres du Trident

François-René de Chateaubriand : "Le Moment Conservateur".

Au gré de ces textes, choisis et présentés par JG Malliarakis, on découvre en Chateaubriand, au-delà de son génie littéraire inégalé, un penseur politique méconnu. Dans un contexte de reconstruction du pays, 15 ans avant que les Anglais s'emparent du mot conservateur, 20 ans avant La Démocratie en Amérique de Tocqueville, il définissait les bases d'un régime représentatif durable dans le cadre de la monarchie parlementaire.
••• Un livre de 104 pages au prix de 15 euros.
• à commander sur la page catalogue des Éditions du Trident
• ou par chèque en téléchargeant un bon de commande

Apostilles.

[1]Cf. L'Insolent du 13 novembre "Le mauvais élève qui donne des leçons"
[2]Ce laboratoire francophone d'idées a été fondé en 2003. Il est basé à Paris, Bruxelles et Montréal. Son site internet : www.institutmolinari.org

https://www.insolent.fr/

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