C’était attendu, pour qui vit dans le réel, mais pas chez eux : à l’Elysée et à Matignon, on pensait que le retour sur scène de Philippe Martinez allait pousser comme une tempête d’automne tous les Français derrière eux, mais la désillusion est cruelle. Le dernier baromètre Ipsos publié par Le Point montre que l’opinion fait payer à l’exécutif le désordre des grèves et des blocages né de l’opposition à la réforme des retraites. Edouard Philippe et Emmanuel Macron perdent tous les deux 4 points.
L’analyse du détail révèle que les Franciliens, les premiers gênés par les grèves, en veulent d’abord à cet exécutif inconscient qui a cru qu’il pouvait rejouer un décembre 1995 à son avantage sur leur dos. Le Point oublie de mentionner que ces actifs urbains sont aussi – double peine – concernés par cette réforme qui rognera leurs pensions. Chez eux, le décrochage de l’exécutif est brutal : -14 points. Pas de bon augure pour LREM pour les scrutins prochains quand on sait que le macronisme ne tient surtout que par ses soutiens urbains. Urbains et diplômés. Or, là encore, il y a décrochage : -12 points chez les bacs+2 et plus. C’est le cœur de l’électorat macroniste qui est en train de s’éroder sous le choc de la réalité : une réforme illisible, anxiogène et portée par un ministre de l’ancien monde pas si transparent que cela.
Le Point trouve des lots de consolation à placer au pied des sapins macroniens : le noyau dur de la secte se serre autour du gourou ! Les deux têtes progressent dans ce groupe. Et les ministres enregistrent de petites hausses en leur sein. Mais l’hebdo n’en mettrait pas son rédacteur en chef au feu : « Pour combien de temps ? » Chez LREM, on adore, davantage encore que le mois dernier, dans l’ordre : Blanquer, Darmanin, Schiappa et même Castaner !
Quand on revient dans la vraie vie, les Français voient bien que le macronisme est en phase terminale et cherchent la suite, angoissés. D’où un frémissement à gauche : Ségolène Royal gagne 6 points, Martine Aubry 3, après l’annonce de sa candidature à Lille. Et même François Hollande en gagne 2, à 23 % contre 71 % : juste pour confirmer que l’analyse de sondages est un exercice drôle !
Plus sérieusement, évidemment Marine Le Pen engrange quelques points et même 11 chez l’électorat insoumis grâce à son soutien à la grève et au brevet d’ « humanisme » décerné par Jean-Luc Mélenchon. L’avenir dira si elle sait exploiter son « en même temps » pro-gréviste et pro-trêve de Noël.
Mais c’est à droite que l’agonie du macronisme a les conséquences les plus intéressantes : ceux qui avaient lancé le ballon d’essai Baroin ont oublié que la période des crèches n’est jamais bonne pour lui et ne peuvent que constater qu’à peine gonflé il n’en finit pas de faire pschitt : il perd 4 points, son confrère Xavier Bertrand 10 ! Visiblement, les LR à la prétention sociale qui aiment cracher sur leur droite, ne font pas recette. Et plus illusion.
Le grand rassembleur de l’électorat LR, dans toute sa diversité, c’est Nicolas Sarkozy : il recueille 93 % d’opinions favorables, gagnant encore 6 points. Incontestablement, l’ancien Président fait figure de recours pour un électorat revenu du macronisme et des querelles interminables des LR. Et surtout inquiet de l’évolution de la situation du pays si 2022 devait proposer un match retour Macron-Marine Le Pen. Le rebond de popularité d’Emmanuel Macron dans l’électorat de droite n’aura duré que le temps de son hommage des Invalides aux treize soldats morts au Mali.
Ce qui est sûr, c’est que le nouveau fiasco macronien de la retraite à points rebat les cartes et fait entrer la vie politique dans une nouvelle séquence, une pièce tendue vers 2022 que les Français seraient tentés d’intituler : “En attendant Bojo”. Mais, pas plus que les personnages de Beckett, ils n’entrevoient guère à quoi il pourrait bien ressembler…