Votre chroniqueur ne voudrait pas finir l'année 2019 sans émettre un vœu, celui de contribuer à tordre le cou à la passion égalitaire. Depuis plus de deux siècles, ce faux principe abaisse la France et répand sa pestilence en Europe.
Une fois pour toutes, les hommes, j'entends par là les êtres humains, précisément parce qu'ils doivent être considérés comme égaux en dignité et en responsabilité, ne sauraient être tenus pour identiques et interchangeables. L'idéal antique, entre citoyens, vise l'isonomie, la même règle applicable à tous. À vrai dire, on n'y parvint, d'ailleurs, jamais dans les cités de référence, ni dans la Rome républicaine, ni dans l'Athènes démocratique, encore moins chez les Spartiates.
Rien de plus inégal que cette Création divine que nous appelons nature. Sur le même arbre, il n'existe jamais deux feuilles superposables. Vous prétendez sauver la Planète ? Ne commencez pas par l'aplatir en rêve.
Dans la crise actuelle que subit un pays secoué par la maladresse, l'amateurisme politique et l'arrogance technocratique de la Macronie, une rhétorique fausse le débat : celui des prétendus privilèges. On se proposait de les abolir en une
Un lecteur de qualité m'écrit à ce sujet : "Je ne vois pas en quoi il serait ridicule de qualifier les salariés de la SNCF et de la RATP de privilégiés. Ils le sont indiscutablement. En Allemagne, soit ils ne seraient pas fonctionnaires, soit ils le seraient et n'auraient pas le droit de grève. Je déteste la SNCF, championne absolue des grèves et bénis la disparition du fameux statut en espérant qu'il ne renaîtra pas de ses cendres."
Pour préciser ma pensée, voici ma réponse : "Ce n'est pas "dire" des gens de la SNCF et de la RATP qu'ils sont "privilégiés" qui est ridicule, à mon sens, mais de les "stigmatiser" (c'est le mot, certes à la mode, que j'ai utilisé) comme tels dans un pays où les vrais "privilégiés" sont les d'abord les hauts fonctionnaires. Stricto sensu "privilégié" veut dire que l'intéressé relève d'une loi particulière."
Cette considération ne relève pas seulement de l'étymologie. Parmi les règles particulières applicables aux statuts et parcours de vie inhérents à nos sociétés, on peut et on doit les classer résolument en deux catégories : les premières doivent être regardées pour légitimes, adaptées à leur époque et à l'objet qu'elles s'assignent ; les autres se révèlent injustes, contre-productives et/ou périmées.
Organisées par saint Louis au XIIIe siècle les corporations de métiers étaient devenues paralysantes à la fin du XVIIIe siècle. L'abolition de leurs monopoles, la loi D'Allarde de mars 1791, décret approuvé par le roi, eût représenté une bonne mesure si l'interdiction de les reconstituer n'avait pas été votée en une seule séance, pratiquement sans débat, par l'Assemblée, à l'initiative du funeste Le Chapelier en juin. Issu de ce dernier texte, tout un dispositif répressif allait aussi bien dissoudre les universités que définir pour délictueuses les coalitions ouvrières, etc.
Aujourd'hui encore, l'abrutissante mythologie du jacobinisme se targue d'avoir aboli les privilèges. On aime à dater la décision définitive en la nuit du 4 août. La révolution de 1789, à en croire ses apologistes aurait institué l'égalité. Ce mot piégé d'avance, enserré entre deux autres notions politiquement correctes de liberté et de fraternité, sert de programme à l'État républicain, lui-même peu respectueux du travail, qu'il rémunère moins que l'oisiveté, de la famille, dont il piétine les principes, et, en définitive, d'une patrie qu'il a si largement contribué à faire dégringoler dans l'échelle des nations.
Le mot privilèges est donc condamné, comme celui d'aristocratie. Sans nous attarder aux étymologies respectives, de la loi particulière en latin au gouvernement des meilleurs en grec, retenons la définition la plus courante du premier mot : il désigne un avantage exclusif, d'un droit particulier, accordé à quelqu'un ou à une certaine catégorie de population.
En ce sens, j'approuve la défense du régime spécial de l’Opéra. Il date de 1698, sous Louis XIV. Et j'applaudis aux danseuses du corps de ballet. Elles finissent obligatoirement leur carrière à 42 ans. Petites filles elles ont commencé à 8 ans, et beaucoup ont sacrifié leurs études et leur jeunesse sans accéder à leurs rêves d'enfance. Je les salue respectueusement, comme j'admire le savoir-faire de ces artisans français qui ont commencé à travailler très jeune, comme apprentis, et partent, à moins de 60 ans, mais après 40 ans de cotisations, et avoir grandement contribué à notre qualité de vie.
JG Malliarakis
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"Vers un Ordre social chrétien" que l'on peut commander sur la page catalogue du site de l'éditeur.