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Histoire du populisme occidental, de Périclès à Donald Trump

INTRODUCTION

  La bataille de la Cité des morts

  Existe t-il encore des peuples ? Au moment où le libre-échange conquiert toujours plus de territoires, abaisse les frontières commerciales et globalise la culture, la notion de peuple, venant de l'antiquité gréco-romaine, est remise en cause et a perdu de sa pertinence. Par le truchement des médias et d'internet, le champ a été investi par des mouvements identitaires qui répondent à l'individualisation des sociétés et transforment la politique en un marché culturel adapté à la mondialisation néolibérale. Les masses sont éclatées et ne sont plus encadrées par des structures collectives universelles. La plupart du temps, elles se répartissent entre des groupes assez fermés et sectaires, défendant une idéologie bornée et simpliste.

  Arrive en scène le mot docte et savant de populisme (dans son usage actuel depuis les années 1980), pour caractériser les actions politiques qui tentent de reconstruire des communautés populaires, désintégrées par la fin des grandes idéologies et l'expansion irréfragable des marchés financiers. Tant est si bien que le mot du peuple lui-même, vieux depuis la nuit des temps, a été subsumé dans une nouvelle définition académique qui s'est répandue dans la sphère médiatico-politique : le populisme. À côté de ça, dans la vie quotidienne des gens il faut bien admettre que tout ce débat sur la sémantique est assez éloigné de leurs préoccupations et donc peu évoqué dans les conversations. Ici, les mots de peuple et de populisme n'ont qu'une signification vague et leur différenciation théorique n'est qu'un bavardage rhétorique assez ennuyeux autour d'un enjeu politicien assez vain et prétentieux.

  En effet, si tant d'entre nous finissent par se désintéresser totalement de ces débats, c'est parce que l'essentiel se décide ailleurs. Le populisme est un placebo qu'utilisent les experts et les élites pour donner l'impression d'une part, que le peuple est encore une catégorie en vigueur sur laquelle ils exercent encore un certain contrôle, et d'autre part, qu'ils connaissent les gens du commun et partagent la même vie qu'eux. Or cette falsification des réalités est un tour de passe-passe que même un sujet inculte et proche de l'arriération mentale est à même de comprendre. À défaut de peuple, parlons du populisme, ça fait plus tendance et savant mais surtout ça permet de ne pas aborder le fond du problème : par définition le peuple, sans un minimum de démocratie directe, ça n'existe pas.

  Le discours sur le populisme est aussi en grande partie un occultisme, qui croit à la présence de fantômes inexistants avec lesquels les intellectuels se rassurent, en restant bien assis dans un confort petit-bourgeois qu'ils pensent inamovible et éternel.

  Mais la réduction au silence de cette Cité des morts exige un ultime assaut et de livrer une bataille théosophique où des paroles dangereuses fusent et volent en éclats, et où menacent de nous écraser des pans de pierre se détachant de temples en ruine. J'ai écrit ce texte parce que j'en ai assez d'entendre le mot "populiste" pour tout et ne rien dire et j'espère contribuer à faire cesser cette mauvaise comédie où la menace hitlérienne est invoquée à chaque remise en cause du système représentatif, banalisant au passage la violence raciale et nationaliste. À force d'outrage à la raison historique, les bonnes âmes libérales vont-elles nous fabriquer un monstre encore plus terrifiant et sanguinaire, au cas où le Frankenstein à la croix gammée ne fait plus aucun effet ?

  Dans mon "article" précédent, je disais ne pas être favorable au néopopulisme. Je suis prêt à reconsidérer le débat mais à une condition fondamentale : la redéfinition du populisme, en ne se limitant pas au contexte actuel et en remontant jusqu'à l'histoire de l'antiquité. Sinon à quoi bon ressasser et alimenter le débat creux et mensonger qui oppose des méchants populistes aux gentils progressistes ?

  Parce qu'au grand regret des thuriféraires de la démocratie libérale, le populisme est le fruit d'une évolution anthropologique bien plus longue que les politologues admettent généralement. Alors que la notion de peuple est peut-être aussi ancienne que le verbe être, restreindre le populisme à l'époque contemporaine et le détacher superficiellement de l'ensemble des mouvements similaires ayant eu lieu auparavant, est quand même le signe d'une certaine négligence intellectuelle qui se contente de reproduire des schémas de représentation ancrés dans l'actualité, et donc qui ne cherche pas à soulever la portée globale du phénomène, au-delà des petites différences idéologiques qui font vivre la démocratie représentative moderne.

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