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Un phénomène nouveau : le rejet catégorique de l’islam par une partie des musulmans

Un phénomène nouveau : le rejet catégorique de l’islam par une partie des musulmans

D’Annie Laurent dans La Petite Feuille Verte :

[…] Pour les « musulmans rebelles », essayer de promouvoir des réformes ou des adaptations à la modernité, comme le font les « nouveaux penseurs » (cf. PFV n° 66), ne peut pas suffire à réconcilier l’islam avec le respect de la dignité humaine, la paix, le progrès et la modernité. Car, assurent-ils, c’est le système islamique lui-même, en tant qu’idéologie religieuse, qui empêche la liberté nécessaire à la révision souhaitéeSelon eux, la racine du mal se trouve donc dans les textes sacrés : le Coran, divinisé à tort, et la Sunna (Tradition mahométane). Certains démontrent ceci de manière rationnelle tandis que d’autres se contentent de simples dénonciations, plus ou moins sévères et véhémentes. Tous, sunnites comme chiites, hommes et femmes, se réfèrent à leur patrimoine doctrinal et historique, évitant ainsi tout reproche d’affabulation.

Les parcours de ces « musulmans rebelles » sont variables. Il y a d’anciens imams ou militants islamistes ; certains rejettent leur identité native tandis que d’autres choisissent l’agnosticisme ou l’athéisme déclaré, phénomène en plein essor dans plusieurs pays, notamment en Egypte où l’athéisme est pourtant interdit par la loi ; d’autres encore se convertissent au christianisme. Par ailleurs, leurs origines, très diverses, dépassent largement l’espace arabe, berceau historique, géographique et culturel de l’islam. Certains vivent dans leur pays de naissance, d’autres sont établis en Occident par choix ou pour fuir les menaces. Tous s’expriment à travers des livres, des sites Internet (p. ex. ahewar.orgAnnaqed) et des chaînes de télévision satellitaires, y compris chrétiennes (El-Hayat.tvEl-Karma.tv).

LE TOURNANT DU 11-SEPTEMBRE

Il s’agit là d’un mouvement croissant qui a pris un tournant décisif à la suite des attentats djihadistes commis à New-York le 11 septembre 2001, comme si cette instrumentalisation de Dieu (Allah) pour justifier de telles actions avait ouvert des yeux et poussé des musulmans à réfléchir au contenu réel de leur religion et de leur culture. Ils n’hésitent plus alors à recourir à une approche critique, dénuée de toute réserve.

L’islam mis à nu par les siens

Tel est le constat dressé par un sociologue d’origine libanaise, Maurice Saliba, ancien consultant auprès d’agences de l’ONU dans des pays africains et arabes. Il livre le résultat de son travail dans un ouvrage récent, L’islam mis à nu par les siens (éd. Riposte laïque, 2019). La lecture des 47 textes, traduits de l’arabe pour la plupart, présentés dans cette anthologie permet de prendre la mesure de l’ampleur de la « révolte », laquelle s’exprime aussi à travers des auteurs de langue française, anglaise ou allemande.

Voici un aperçu de leurs jugements, reproduits dans ce livre.

« Le Coran asphyxie l’épanouissement personnel en privant l’individu de toute initiative » ; « Le Coran place Allah au service de Mahomet » (Abbas Abdelnour, libanais, ancien imam, auteur de Mes tourments avec le Coran et avec Allah dans le Coran, paru en 2004).

« Quiconque lit le Coran et la biographie de Mahomet et y croit ne pourra jamais en sortir indemne, ni mentalement ni psychiquement » (Wafa Sultan, psychiatre syrienne expatriée aux Etats-Unis, auteur de L’islam en question, H&O, 2009).

« Aucune preuve tangible ne confirme l’existence réelle d’un personnage prénommé Mahomet » (Diana Ahmad, historienne égyptienne).

« Quel genre de dieu dicterait des choses aussi abominables et barbares comme ce qu’on trouve dans le Coran ? » ; « L’islam est une forme d’esclavage totalitaire global […]. L’esclavage asservit le corps, tandis que l’islam emprisonne l’esprit » (Amil Imani,Américain d’origine iranienne, traducteur et essayiste).

« C’est la haine, et pas l’amour, qui dirige l’islam […]. C’est le gourou Mahomet qui a inséminé cette haine et cette méfiance chez ses fidèles à l’encontre des non-musulmans.Comment les musulmans pourront-ils s’intégrer dans les autres nations tout en croyant que ces messages abominables de haine dans le Coran sont les paroles d’Allah ? » (Ali Sina, Iranien, créateur du site Faithfreedom.com).

« [L’image] du dieu Allah est assimilée à un despote colossal » (Ahmad Adnan, journaliste séoudien).

« Nombreux sont ceux qui vont se mettre en colère contre moi car je qualifie l’islam de folie nauséabonde ou de frénésie infernale » (Suheil Ahmad Bahjat, sites Apostats del’islam et Ahewar.org).

« L’islam est né avec une malformation génétique, parce qu’il a toujours mélangé la religion avec la politique, la législation, la guerre, l’économie, etc. » (Hamed Abdel-Samad, écrivain égypto-allemand).

« Nous ne voulons pas que les femmes soient couvertes de tentes noires, ni les voir comme des fantômes qui terrorisent nos enfants. Nous ne voulons pas que nos femmes soient considérées comme objet de honte ni comme déficientes mentales » (Ashraf Amir, site des athées arabes).

Les thèmes de la misogynie, de la violence, de l’hypocrisie et du mensonge, de la privation de liberté, parcourent ces textes soigneusement référencés. Ceux-ci font ressortir l’incompatibilité entre l’attestation d’un « Dieu clément et miséricordieux » et l’enseignement général du Coran, de la Sunna et de la vie de Mahomet.

Échapper à l’islam

La conclusion qui s’impose à ces anciens musulmans est le rejet de l’islam, malgré les risques encourus.

« Actuellement, un grand nombre d’Iraniens sont complètement écœurés de l’islam et veulent quitter ce dogme de haine et de violence. En fait, beaucoup l’ont déjà fait, mais ils ne sont tout simplement pas en mesure de l’annoncer publiquement, pour des raisons évidentes » (Amil Imani, in M. Saliba, op. cit.).

Abdemrahman Mahraba, Egyptien diplômé d’El-Azhar et ancien imam, a lui aussi quitté l’islam. Il en expose les motifs dans son livre Confessions d’un imam (éd. de Paris, 2008).

« J’étais un homme mystique et de foi solide… Très tard, je me suis réveillé, afin de me reprendre sérieusement en main. A soixante-dix ans, en m’époussetant, j’ai traversé une crise, avec des conflits intérieurs très durs, qui m’ont déchiré l’esprit et cela jusqu’au virage final, dangereux certes, mais qui va considérablement modifier l’orientation, le cap de mon existence. Alors, j’ai pris la plume, afin de tenter d’exprimer tous les tourments de ma pensée : la vérité doit être proclamée » (p. 11).

C’est un chemin identique dont témoignent, parmi d’autres, Ibn Warraq, Pakistanais exilé aux Etats-Unis, dans Pourquoi je ne suis pas musulman (éd. L’Age d’Homme, 1999) et Ayaan Hirsi Ali, Somalienne réfugiée aux Pays-Bas, député de La Haye, auteur de Insoumise (Robert Laffont, 2005). « Je ne crois plus en Dieu depuis les attentats du 11 septembre 2001 » (L’Express, 16 mai 2005).

L’ISLAM EST-IL RÉFORMABLE ?

Une certitude habite ces « musulmans rebelles » : l’impossibilité de réformer l’islam. Ils réfutent donc les théories développées par certains pour promouvoir une modernisation de la pensée islamique au prétexte qu’il pourrait y avoir une diversité d’interprétations du Coran et de la Sunna, ou encore qu’il faudrait distinguer l’islam véritable d’une mauvaise compréhension de ses enseignements ou d’un détournement de ses pratiques. Ainsi, pour eux, il ne convient pas d’opposer islam et islamisme.

Islam et islamisme

Dans un livre intitulé Le fascisme islamique (Grasset, 2017), Hamed Abdel-Samad (auteur déjà mentionné supra) associe l’idéologie constitutive de l’islam au national-socialisme.

« Les caractéristiques fascisantes de l’islam ne sont pas apparues avec la montée des Frères musulmans, elles sont en fait ancrées dans les origines historiques de l’islam » (p. 167).

Pour lui comme pour d’autres, il n’y a pas lieu de voir dans l’islamisme une dérive de l’islam.

« J’ai fini par prendre conscience que cette distinction faisait uniquement le jeu des islamistes, exactement comme les termes “islamophobie” ou “islam modéré” […]. L’islamisme demeure la proposition la plus forte de l’islam car il renferme la raison d’être de cette religion. Il renferme une promesse sacrée. […] Si l’on veut établir une distinction entre islam et islamisme, on doit soit condamner Mahomet, soit au moins concéder qu’un tel homme n’a pas la légitimité de servir de modèle à l’individu moderne. L’intangibilité du Coran et du Prophète constitue le fond du problème de l’islam » (ibid., p. 228-230).

Abdel-Samad insiste sur les deux conditions nécessaires pour libérer l’islam de ses caractéristiques fascisantes : évacuer l’aspect juridico-politique de l’islam, se détacher de l’image islamique d’« un dieu qui téléguide les hommes » (ibid., p. 233).

L’utopie de la réforme

Selon Hamid Zanaz, essayiste algérien, auteur de L’islamisme, vrai visage de l’islam(Ed. de Paris, 2012), « un islam réformé, c’est la fin de l’islam » (p. 62). Mettant les Européens en garde contre l’illusion que l’islam pourrait se réformer, il invite à ne pas prendre au sérieux les « nouveaux penseurs de l’islam » car « ils trompent la vigilance laïque des Occidentaux et confortent les musulmans dans leur sommeil dogmatique » (p. 63).

Pour Raed Saadi Nasser, journaliste irakien, ce n’est pas d’une « nouvelle interprétation » dont les textes sacrés de l’islam ont besoin car elle ne pourra jamais s’imposer à tous les musulmans, compte tenu de leur origine divine supposée.

« Les chefs religieux musulmans et tous ceux qui prétendent être les gardiens du temple de l’islam, s’ils veulent être crédibles et non hypocrites, sournois et imposteurs, sont tenus de prendre une position sérieuse et audacieuse pour réviser le Coran et l’expurger des centaines de versets indignes d’un dieu dit clément et miséricordieux » (cf. Ahewar.org 8 août 2018, traduit de l’arabe par Maurice Saliba).

Ayaan Hirsi Ali affirme pour sa part : « Je ne crois pas en un mouvement qui prétend libéraliser l’islam sans remettre en cause le Prophète et le Coran » (L’Express, 16 mai 2005).

Cette position se retrouve chez les auteurs sélectionnés par Maurice Saliba dans L’islam mis à nu par les siens (cf. supra).

« Je sais que tout effort pour humaniser, moraliser, réformer l’islam n’est que perte de temps. L’ennemi est l’islam qui est l’objet de mes critiques. Je signe et je persiste, bien que je sois la cible de haine de tous les musulmans fanatiques » (Ali Sina, cf. supra).

« Malheureusement, l’islam ne peut être réformé […]. Il est sculpté dans le granit […]. Le livre d’Allah est scellé, figé, pétrifié » (Amil Imani, cf. supra).

« En somme, le musulman ne se rend pas encore compte que la disparition de l’islam se produit d’abord par la science, la logique et la connaissance acquises quotidiennement, ensuite par la libération du musulman lui-même de son obstination à croire à quelque chose de statique, de figé voire de mensonger depuis quatorze siècles » (Toulam Sirf, écrivain irakien, devenu athée).

« Quant à l’innovation du discours religieux, ce n’est qu’un mensonge comme celui de l’islam authentique. C’est une affabulation pour se dédouaner des accusations et détourner l’attention du problème essentiel. En effet, l’islam ne se maîtrise plus et toute emprise sur l’islam est déjà perdue » (Hamed Abdel-Samad, cf. supra).

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