« Dans notre siècle, il faut être médiocre c'est la seule chance qu'on ait de ne point gêner autrui » Léo Ferré (préface Poètes vos papiers). La solitude grégaire et frénétique que nous imposent les villes d'aujourd'hui et leurs périphéries n'est pas la seule servitude à laquelle nous soyons liés. Pour s'en persuader il suffit d'accomplir les gestes les plus ordinaires de la vie moderne, comme pour en souffrir il suffit de vouloir agir ou entreprendre. On a alors tôt fait de se heurter aux longues files ou aux longs mois d'attente, à l'extraordinaire puissance d'inertie, d'irresponsabilité, d'anonymat que représente trop souvent l'Administration..
Il s'en suit un sentiment de malaise, d'exaspération, puis d'impuissance comme de résignation qui freine et entrave toutes les activités, tous les développements. A la fois vérité d’expérience comme sentiment partagé, les grands services publics, sont de moins en moins présents (en particulier dans les zones rurales) comme de plus en plus menacés par la logique libérale de l'Union européenne. Ils ne répondent plus aux besoins les plus impérieux comme les plus élémentaires des particuliers, mais aussi que par leur irresponsabilité, leur mauvais fonctionnement, leur désastreuse gestion, ils constituent un frein, un handicap très lourd pour notre vie économique dans son ensemble. L'opinion unanime se plaint de plus en plus de services coûteux et mal rendus : « L'Etat ne vous transporte pas, il vous roule », disaient, non sans raison, les usagers parisiens. Du point de vue social, l'Etat ne rend pas de meilleurs services, on aurait beaucoup à dire, s'il fallait dénoncer le scandale permanent des U.R.S.S.A.F, comme la situation de la Sécurité Sociale dans son ensemble devenu tragique... N'y a-t-il pas là pour toute notre économie et pour le budget de chaque ménage un élément parasitaire permanent, aggravé par une fiscalité souvent abusive et mal comprise ?
« Il me faudrait presque embaucher un juriste à plein temps, voire un conseiller fiscal, pour compléter les formulaires qu'exige l'administration. Mais combien d'entreprises, qui viennent de se créer, pourraient le faire ? Je comprends que les artisans et les commerçants en aient assez de tous ces imprimés… » (Jean de France, « Un Prince Français ») Ce sont aussi des milliards qui ont été engloutis par des commissions irresponsables, pour des projets qui ne seront jamais réalisés, qu'il faudra peut-être détruire, afin de revendre purement et simplement les infrastructures : le projet absurde de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, en est un exemple frappant, avant même sa construction... La perte correspondante qui pourrait être chiffrée en écoles, routes ou logements n'inquiète vraiment personne. Il est clair que l'Etat vit au-dessus de ses moyens, gaspille d'énormes sommes (il suffit de regarder de plus près comment fonctionne l'Education nationale pour le constater...), augmente les tarifs de ses services dans des proportions considérables, en rompant parfois avec des traditions de gratuité comme dans les classes préparatoires, payantes depuis la rentrée 2013. Si bien que la moindre lettre à expédier, le moindre appel téléphonique, le moindre voyage atteignent des coûts exagérés représentant par là un frein dangereux à l'activité, à la compétitivité de notre économie.
On pourrait faire ici un parallèle avec la complexité croissante du système de péréquation verticale pour les communes rurales : les maires étant pour la plupart des gens de la terre, ils ne savent pas remplir les montagnes de paperasses nécessaires à l'obtention de leurs finances et se retrouvent donc avec moins d'argent que les communes urbaines, plus nombreuses et mieux conseillées. L'accroissement des responsabilités de l'Etat, au moment même où il perd de sa force, se fait tancer régulièrement par les puissances économiques et dépasser par la mondialisation, a multiplié plus que proportionnellement les « enceintes collégiales et anonymes ». Le citoyen se trouve continuellement confronté à des tracasseries dont toute responsabilité reste anonyme… Une telle administration n'offre souvent aucune prise, aucun recours, et on le constate parfois lorsque l'on cherche à contacter certains services par téléphone ou par internet, en vain ! Mais là encore, peut-on supposer sérieusement que l'Etat soit capable voire désireux d'enrayer le processus qui ne cesse d'affermir la toute-puissance de son administration au détriment de ses obligations régaliennes et quand le politique, lui, perd de son pouvoir réel ?
- D'une bureaucratie qui est sa seule Unité, sa seule « continuité » ?
- Peut-on imaginer que le Régime des partis, ou même celui du « Fait majoritaire » actuel, soit en mesure de donner la nécessaire et urgente impulsion libératrice qui dissoudrait cette toute-puissance des bureaux et des administrations ?
« Avec Foutriquet au pouvoir, l'argent ne trouvera aucun obstacle : dans la période d'attente et de détour, tant que la France n'est pas encore le rien promis pour l'an deux mille, l'internationale de cet argent, les sociétés multinationales entre autres, n'auront à redouter aucune intrusion un peu sérieuse d'un Etat qui abdique ses droits régaliens, la défense du pauvre comme l'indépendance nationale, ce qui n'empêche en rien l'exercice solitaire de sa tyrannie » (P.Boutang aidé de J.E.Hallier parlant de Giscard ). Comment tolérer les longues heures d'attente pour le train, sur les quais, alors que nos impôts paient un service mal assumé et que des citoyens risquent des conséquences sur leur travail. Qui ne connaît les longues files aux guichets des postes, des banques, de la sécurité sociale, bref des administrations françaises. L'organisation y est parfaitement anonyme, jamais de responsable mais une armée de fonctionnaires accomplissant plus ou moins bien leur travail et souvent dans une complète indifférence du public moutonné dans des attentes impossibles frisant l'exagération. Le renvoi de bureau en bureau, l'éternel papier manquant pour l'accomplissement d'un dossier. Une organisation démentielle où les nerfs sont soumis à rude épreuve. D'abord patient face à une telle inertie, on passe à l'indignation puis à la révolte mais face à la puissance bureaucratique, on tombe fatalement dans la résignation et la soumission. C'est une vaste machine à broyer les énergies pour rendre un peuple, esclave. Attendre et perdre son temps sont les deux mamelles de la nouvelle France fonctionnarisée. Ce système écrase les faibles en développant les sentiments d'exaspération amenant un malaise général. Parlerons-nous de la gestion quelquefois désastreuse ? (voir « Sécurité sociale »...). Devrons-nous parler aussi de l'inquisition fiscale, arme redoutable et parfaitement arbitraire : « Songez qu'il existe une soixantaine de codes : code civil, code de la famille, code des impôts, code pénal, code de la santé, code du travail... et que le parlement adopte, tous les ans, une cinquantaine de lois supplémentaires, de plus en plus volumineuses. Or beaucoup ne sont même pas appliquées, car les décrets ne sont pas pris ! Ce n'est pas raisonnable… Revenons aux mots de saint Louis : « une fontaine d'équité ». Pas une montagne de codes ! » (Jean de France, Un Prince Français). Les jours de grève, où l’on devient otage, comment accepter d'être pénalisé lorsque l'on est innocent. Les vieux restent chez eux, les femmes sont obligées de courir avec leurs enfants dans les bras, en retard à la crèche, au travail et pas sûres d'être à l'heure pour le retour, parce qu'un service public a décidé de ne pas travailler. La justice n’est pas mieux, le Prince s’exprimait en ces mots : « Je comprends que les Français s'en plaignent. Louis XIV voulait qu'un procès portant sur une contestation simple soit tranché dans les six mois, degré d'appel compris. De nos jours, il faut sept mois, en moyenne, pour obtenir une décision de justice devant le tribunal de grande instance, quatorze devant la cour d'appel et seize devant le juge administratif. Et il n'est pas rare que des procédures s'étalent sur plusieurs années entre la première instance et la cassation. Or le temps éteint la justice : le jugement intervient trop tard tant pour la victime que pour le coupable. On peut évidemment accroître les moyens de l'institution et, pour les petits litiges, recourir à la médiation plutôt qu'au procès. Mais c'est en amont qu'il faut agir pour désencombrer les tribunaux. On réduira les contentieux en simplifiant les règles de droit et les procédures, mais aussi et surtout - en veillant à l'équilibre de la société. »
FW (Projet de Société, à suivre....)